Source : 3ème civ, 25 octobre 2018, n°17-26.126 F-P+B+I
Bien que l’immatriculation du preneur au RCS figure au titre des conditions d’application du droit au statut des baux commerciaux listées à l’article L145-1 du Code de commerce,
« Les dispositions du présent chapitre s’appliquent aux baux des immeubles ou locaux dans lesquels un fonds est exploité, que ce fonds appartienne, soit à un commerçant ou à un industriel immatriculé au registre du commerce et des sociétés, (…) »
Cette obligation est cantonnée depuis un arrêt de la Cour de cassation du 1er octobre 1997, publié au bulletin[1], à une simple condition du droit au renouvellement, autorisant ainsi le preneur non immatriculé à se prévaloir de l’ensemble des dispositions statutaires (durée de 9 ans du bail, révision triennale, déspécialisation, etc).
Un arrêt du 22 janvier 2014, également publié au Bulletin[2] semblait avoir peut être sonné le glas de cette position prétorienne : la cour de cassation avait alors reproché aux juges du fond d’avoir reconnu un droit au statut à un preneur à bail saisonnier sans rechercher si à la date de l’assignation en revendication, le locataire était inscrit au registre du commerce et des sociétés.
Il résultait de cet arrêt, confirmé par une autre décision du 18 juin 2014[3], que l’immatriculation ne serait plus uniquement requise pour bénéficier de la « propriété commerciale » lors du renouvellement du bail, mais qu’elle le serait également en cours de bail, dès que le preneur sollicite le bénéfice d’une disposition du droit au statut.
Un nouvel arrêt du 25 octobre 2018, promis à une large publication, sème toutefois le trouble, en ce que la Cour de cassation considère que les dispositions de l’article L145-5 du Code de commerce, c’est à dire :
« Les parties peuvent, lors de l’entrée dans les lieux du preneur, déroger aux dispositions du présent chapitre à la condition que la durée totale du bail ou des baux successifs ne soit pas supérieure à trois ans. (…)
Si, à l’expiration de cette durée, et au plus tard à l’issue d’un délai d’un mois à compter de l’échéance le preneur reste et est laissé en possession, il s’opère un nouveau bail dont l’effet est réglé par les dispositions du présent chapitre.(…) »
Bénéficient au preneur à bail dérogatoire même non immatriculé au RCS à la date à laquelle il assigne le bailleur en reconnaissance du droit au statut :
« (…) attendu qu’ayant relevé que le preneur avait été laissé en possession à l’expiration du premier bail dérogatoire, la cour d’appel, qui n’était pas tenue de procéder à une recherche qui ne lui était pas demandée, a retenu à bon droit, sans contradiction, que l’inscription au registre du commerce et des sociétés n’est pas nécessaire pour que s’opère un nouveau bail régi par le statut des baux commerciaux et en a exactement déduit que M. Y… était devenu titulaire d’un bail statutaire de neuf ans à la date du 1er février 2006 ; D’où il suit que le moyen n’est pas fondé ; »
L’automaticité de la naissance d’un bail commercial à l’issue du bail dérogatoire, et donc la différence de régime avec les autres baux, notamment saisonniers (objets de l’arrêt de 2014), ne nous semble toutefois pas nous permettre de tirer de l’arrêt un enseignement suffisant concernant la nécessaire immatriculation du preneur au RCS dans le cadre de sa demande de requalification du contrat en bail commercial.
Ainsi, au-delà des baux dérogatoires, vigilance reste donc de rigueur, de vérifier l’immatriculation du locataire au RCS avant toute demande tendant à la reconnaissance du droit au statut.
Sylvain VERBRUGGHE
Vivaldi-Avocats
[1] 3ème civ, 1 octobre 1997, n°95-15.842, Publié au bulletin
[2] 3ème civ, 22 janvier 2014, n°12-26.179, Publié au bulletin
[3] 3ème civ, 18 juin 2014, n°12-20714