Source : Cass., com., 3 avril 2019, F-P+B, pourvoi n° 18-11.242
I – LES FAITS
En 2012, la société Tridex a pris en location auprès de la société Transeurop des véhicules industriels avec chauffeur pour assurer la collecte et le transport, en vue de leur traitement, de déchets provenant de magasins du groupe Carrefour.
Tridex a ensuite été mise sous procédure de redressement judiciaire.
De son côté, Transeurop qui n’a pas été payée pour ses prestations a déclaré sa créance au passif de Tridex en soutenant qu’elle disposait d’une action directe contre l’expéditeur ou le destinataire de ces déchets.
Parallèlement, Transeurop a assigné Carrefour en paiement qu’elle estimait garante de cette Tridex.
L’action a été fondée sur l’article L. 132-8 du Code de commerce qui prévoit que :
« La lettre de voiture forme un contrat entre l’expéditeur, le voiturier et le destinataire ou entre l’expéditeur, le destinataire, le commissionnaire et le voiturier. Le voiturier a ainsi une action directe en paiement de ses prestations à l’encontre de l’expéditeur et du destinataire, lesquels sont garants du paiement du prix du transport. Toute clause contraire est réputée non écrite ».
II – LA POSITION DE LA COUR DE CASSATION
En seconde instance, la cour d’appel de Caen, par un arrêt di 23 novembre 2017, rejette l’action contre Carrefour dont on ignore si elle avait été poursuivie en sa qualité d’expéditeur ou de destinataire de la marchandise transportée.
Confirmation de la Haute juridiction puisque l’auteur de l’action directe, en l’espèce Transeurop, n’agissait pas comme transporteur public routier de marchandises, soit pour le compte de ses clients, mais comme transporteur pour compte propre. Et dans ces conditions, l’action directe en paiement n’est pas ouverte au transporteur.
Explications – La Cour de cassation commence par rappeler les dispositions de l’article L. 3223-2 du Code des transports :
« S’il n’exécute pas un contrat de transport avec ses propres moyens, le transporteur public routier de marchandises peut assurer son exécution en passant un contrat de location avec un loueur de véhicules industriels avec conducteur. Dans ce cas le loueur a une action directe en paiement de ses prestations à l’encontre de l’expéditeur et du destinataire. Ces derniers sont garants du paiement du prix de la location dû par le transporteur auquel ils ont confié l’acheminement de leurs marchandises. Toute clause contraire est réputée non écrite ».
La mise en œuvre de ces dispositions donne au loueur la possibilité d’une action directe en paiement de ses prestations à l’encontre de l’expéditeur et du destinataire, ces derniers étant garants du paiement du prix de la location dû par le transporteur auquel ils ont confié l’acheminement de leurs marchandises.
Par ailleurs, lorsque le transport s’intègre comme une activité accessoire à l’activité principale industrielle ou commerciale de l’entreprise et en constitue donc le prolongement, ce transport est considéré comme effectué en compte propre.
Or, en l’espèce :
1. L’activité principale de Tridex est le courtage et le négoce liés à la gestion des déchets, leur collecte et leur transport étant dès lors une activité accessoire ;
2. La preuve d’une inscription de Tridex au registre des transporteurs et des loueurs n’est pas apportée ;
3. Tridex n’est pas mentionnée comme expéditeur ou destinataire sur les lettres de voiture produites aux débats.Par conséquent, « Tridex, ayant pris en location des véhicules avec conducteur pour transporter les déchets afin d’exploiter son activité principale, avait effectué les transports pour son compte propre et non comme transporteur public routier et en a exactement déduit que le loueur de ces véhicules, la société Transeurop, ne pouvait agir en garantie contre la société CSF, qui n’était ni destinataire ni expéditeur des marchandises ».
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Ainsi, l’action directe du transporteur qui n’a pas agi en qualité de transporteur public, mais pour son compte propre, est exclue.