Liquidation judiciaire et vente de gré à gré de l’immeuble du débiteur : pas d’obligation d’information et de conseil du liquidateur judiciaire à l’égard de l’acquéreur

Thomas LAILLER
Thomas LAILLER

 

Source : Cass. civ. 3ème, 21 décembre 2017, n°16-20.675, FS-P+B+I

 

I – Les faits

 

Le 11 avril 2008, le juge-commissaire à la liquidation d’une SCI a ordonné la vente de gré à gré d’immeubles, au profit d’une SCV, à un prix payable au plus tard le 30 juin 2008. Ladite société ne signera pas l’acte authentique de vente, suite au recours d’un tiers contre le permis de construire, formalisé le 10 juin 2008. Le mandataire ad hoc de la SCI l’a donc assignée, ainsi que le liquidateur judiciaire, en paiement du prix de vente.

 

Il reprochait notamment au liquidateur judiciaire, qui devait assurer l’exécution de bonne foi de la vente, de ne pas avoir attiré l’attention du futur acquéreur sur le risque de valider son offre d’acquisition des terrains, avant l’expiration du délai de recours contre le permis de construire obtenu le 6 mars 2008.

 

Autrement dit, le liquidateur judiciaire aurait dû attendre l’expiration du délai de recours des tiers contre les permis de construire, et l’obtention d’un certificat de non-recours des tiers, avant de solliciter de l’acquéreur qu’il formalise au juge commissaire son offre ferme.

 

La cour d’appel a admis que le manquement du liquidateur a fait perdre à la SCV la chance de renoncer à formaliser son offre ferme d’acquisition jusqu’à l’expiration du délai de recours des tiers, et ayant pu être informée du recours du 10 juin 2008 avant de donner son accord définitif et payer l’indemnité d’immobilisation, de ne pas poursuivre l’acquisition devant le juge commissaire.

 

Cette perte de chance a été évaluée à 35 % de l’indemnité d’immobilisation de 140.000 € versée. Le liquidateur judiciaire a donc été condamné au paiement de la somme de 49.000 € à titre de dommages et intérêts.

 

Il a formé un pourvoi en cassation contre l’arrêt.

 

II – Le pourvoi

 

Le liquidateur judiciaire a estimé ne pas être tenu par une obligation de d’information et de conseil à l’égard de l’acquéreur, professionnel de l’immobilier qui plus est, sur le risque de valider son offre d’acquisition avant l’expiration du délai de recours contre le permis de construire, la vente étant parfaite dès l’ordonnance du juge commissaire qui l’autorise

 

Au visa de l’article 1147 du Code civil, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l’ordonnance du 10 février 2016, la Cour de cassation reprend le moyen développé par le liquidateur judiciaire pour casser l’arrêt, en estimant que lors de la vente de gré à gré d’un immeuble dépendant de l’actif de la liquidation, le liquidateur judiciaire n’est tenu, en sa qualité d’organe représentant le débiteur, d’aucun devoir d’information et de conseil à l’égard d’un futur acquéreur, professionnel de l’immobilier, quant au risque à formuler une offre sans condition tant que le permis de construire n’est pas définitif.

 

III – Les limites de responsabilité du liquidateur judiciaire dans la vente d’immeubles  

 

Au cas particulier, la décision se justifie aussi par la faute de l’acquéreur. En droit de la responsabilité, la faute de la victime est exonératoire lorsqu’elle constitue la cause exclusive du dommage. Ici la SCV avait soumis un dossier de demande de permis de construire incomplet, entrainant l’exercice d’un recours contre le permis accordé, et l’annulation de ce dernier par la juridiction administrative. Il était donc plus difficile dans ces conditions d’assigner en responsabilité le liquidateur judiciaire.

 

Le parallèle peut être fait avec la garantie des vices cachés, qui ne peut être invoquée, s’agissant d’une vente par autorité de justice (il en va de même de la nullité pour vice du consentement dol)[1].

 

La décision commentée n’est pas explicite pour fonder cette exclusion, mais il s’agit à l’évidence de sécuriser les opérations de réalisation de l’actif, quitte à refuser toute protection au cessionnaire, notamment lorsqu’il est un professionnel aguerri aux risques inhérents aux acquisitions d’actifs de sociétés en liquidation.

 

Thomas LAILLER

Vivaldi-Avocats



[1] Cass. com., 4 mai 2017, n°15-27.899, publié au bulletin

 

 

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