Liquidation judiciaire et responsabilité de la banque à l’égard du coemprunteur in bonis

Thomas LAILLER
Thomas LAILLER

 

Source : Cass.,com. 20 juin 2018, F-P+B, n°16-27.693

 

I – L’espèce

 

Un entrepreneur individuel et son épouse ont souscrit auprès d’une banque deux prêts. L’époux est par la suite placé en redressement puis en liquidation judiciaires. La banque a déclaré au passif une créance à concurrence au titre des deux prêts et du solde des comptes bancaires, puis elle a assigné l’épouse en paiement, laquelle, en défense, lui a opposé un manquement à son devoir de mise en garde.

 

Les juges du fond ont condamné l’établissement de crédit à payer à l’épouse la somme de 135. 000 € et d’ordonner la compensation avec les condamnations prononcées à son profit. La banque forme alors un pourvoi, dans lequel elle se prévaut du principe d’irresponsabilité du prêteur posé par l’article L. 650-1 du Code de commerce.

 

II – Le pourvoi en cassation

 

Selon ce texte, les établissements bancaires créanciers d’une entreprise en sauvegarde, en redressement ou en liquidation judiciaires ne peuvent être tenus pour responsables des préjudices subis du fait des concours consentis, sauf les cas de fraude, d’immixtion caractérisée dans la gestion du débiteur ou si les garanties prises sont disproportionnées aux concours.

 

Ce texte pouvait-il être invoqué par un établissement de crédit prêteur de deniers à l’égard d’un coemprunteur in bonis, qui n’est donc pas l’entrepreneur individuel frappé d’une procédure collective ?

 

Non, répond la Cour de cassation, qui rejette ici le pourvoi au motif que :

 

« s’il résulte de l’article L. 650-1 du code de commerce que les établissements bancaires créanciers d’une entreprise en sauvegarde, en redressement ou en liquidation judiciaires ne peuvent être tenus pour responsables des préjudices subis du fait des concours consentis, sauf les cas de fraude, d’immixtion caractérisée dans la gestion du débiteur ou si les garanties prises sont disproportionnées aux concours, ces mêmes établissements peuvent être responsables des manquements à leur obligation de mise en garde du bénéficiaire des concours lorsqu’ils y sont soumis ».

 

La Chambre commerciale de la Cour de cassation a déjà reconnu que l’article L. 650-1 du Code de commerce s’appliquait dans le cas où un coemprunteur invoque la responsabilité de la banque ayant consenti le prêt sur le fondement d’un soutien abusif[1].

 

L’arrêt d’appel est néanmoins cassé pour défaut de base légale. Il est en effet reproché aux juges d’appel, pour retenir le manquement de la banque à son obligation de mise en garde, d’avoir retenu des motifs impropres à caractériser l’inadaptation des prêts à l’ensemble des biens et revenus des co-emprunteurs lors de leur octroi.

 

III – A retenir

 

Ici, bien qu’elle ait la qualité d’emprunteur, l’épouse n’est pas « créancier d’une entreprise en sauvegarde, en redressement ou en liquidation judiciaires ». Pour autant, elle apparaît comme un débiteur indivisible et solidaire de son époux, lui-même commerçant en liquidation et, n’étant pas elle-même intéressée à la dette, son engagement remplit une fonction de garantie.

 

Au regard de ce texte, la situation de la caution est identique. La Cour de cassation a, en effet, jugé, dans un arrêt de principe, que l’article L. 650-1 du Code de commerce ne s’applique pas à la relation entre la caution et le créancier, mais seulement à celle entre le débiteur et ce dernier. En effet, avait expliqué la Cour de cassation, cette action tend à obtenir, non la réparation d’un préjudice subi du fait du prêt consenti (seul visé par l’article L 650-1), mais celle d’un préjudice de perte de chance de ne pas souscrire ledit cautionnement[2].

 

Ce raisonnement est appliqué au co-emprunteur solidaire in bonis, et la Cour régulatrice écarte le régime de faveur des banquiers. C’est in fine la continuité de l’arrêt rendu le 12 juillet 2017.

 

Thomas LAILLER

Vivaldi-Avocats



[1] Cass., com. 17 sept. 2013, n °12-21.871

[2] Cass., com. 12 juill. 2017, n°16-10.793

 

 

 

 

 

 

 

 

 

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