L’impossibilité pour l’employeur, en présence de plusieurs fautes d’appliquer des sanctions distinctes.

Thomas T’JAMPENS
Thomas T’JAMPENS

SOURCE : Arrêt de la Chambre sociale de la Cour de cassation du 23 octobre 2019, n° 18-21.543

 

Dans les faits, l’employeur reprochait à son salarié des absences et retards injustifiés.

 

Le salarié avait donc été destinataire de deux avertissements successifs pour chacune de ses fautes.

 

Toutefois, l’employeur convoquera le salarié quelques jours après lui avoir notifié les deux avertissements, à un entretien préalable en vue d’un licenciement avec mise à pied à titre conservatoire.

 

Il en résultera que le salarié sera licencié pour faute grave, la notification du licenciement comprenant les griefs suivants :

 

1. Absences et retards injustifiés les 10, 15 et 17 janvier 2014,

 

2. Départ en congés non autorisé en décembre 2013,

 

3. Existence d’une relation contractuelle parallèle avec un autre cabinet dentaire dans la Manche non révélée à l’employeur et compromettant l’exercice des fonctions,

 

4. Attitude cavalière et désinvolte à l’égard des clients,

 

5. Manquements aux obligations professionnelles en faisant remettre une prothèse à un client par le biais d’une assistante

 

6. Non facturation des prestations,

 

7. Remise en question de la compétence du laboratoire de prothèses fournissant le cabinet,

 

8. Non-communication malgré demande de l’attestation d’assurance responsabilité civile,

 

9. Manquements répétés aux règles d’hygiène à l’égard des patients,

 

10. Dommages irréversibles causé au matériel par non-respect des règles d’hygiène,

 

11. Soins non conformes aux données acquises de la science,

 

12. Violation du secret professionnel,

 

13. Utilisation du matériel à des fins non professionnelles pendant le temps de travail,

 

14. Fiches patients non renseignées,

 

15. Défaut d’établissement de factures de prestations,

 

16. Actes facturés non réalisés,

 

17. Propos tenus à des tiers et autres salariés du cabinet, à l’encontre de l’employeur.

 

Le salarié a contesté son licenciement estimant que, l’employeur qui, bien qu’informé de l’ensemble des faits reprochés au salarié, choisit de lui notifier un avertissement seulement pour certains d’entre eux, épuise son pouvoir disciplinaire[1] et ne peut prononcer un licenciement pour les faits antérieurs à la sanction prononcée.

 

De plus, le salarié fait valoir qu’aucun fait fautif du salarié ne peut donner lieu à l’engagement de poursuites disciplinaires au-delà d’un délai de deux mois à compter du jour où l’employeur en a eu connaissance.

 

La cour d’appel a néanmoins considéré que si les faits déjà sanctionner ne pouvaient être retenus comme fondant le licenciement, leur rappel dans la lettre de rupture permettait néanmoins à l’employeur de caractériser la gravité de la faute retenue à l’appui de la mesure de licenciement au regard de la persistance ou du renouvellement du comportement fautif.

 

La Cour de cassation casse et annule évidemment la décision de la cour d’appel rappelant que l’employeur qui, ayant connaissance de divers faits commis par le salarié considérés par lui comme fautifs, choisit de n’en sanctionner que certains, ne peut plus ultérieurement prononcer une nouvelle mesure disciplinaire pour sanctionner les autres faits antérieurs à la première sanction[2].

 

En conséquence, l’employeur en décidant de sanctionner par des avertissements les absences et retards injustifiés du salarié et dans la mesure où il avait connaissance à cette date des nombreux autres griefs, a épuisé le recours à son pouvoir disciplinaire à la date des avertissements.

 

[1] Principe de « non bis in idem »

[2] Cass. Soc. 16 mars 2010, n°08-43.057

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