Retour sur la définition de consommation au sens du Règlement dit Bruxelles I bis

Victoria GODEFROOD BERRA
Victoria GODEFROOD BERRA

Source : CJUE, 3 octobre 2019, aff. C-208/18

 

I – LES FAITS 

 

I – 1.

 

Madame P est domiciliée en République Tchèque.

 

FIBO est une société de courtage chypriote qui opère en qualité de professionnel dans le domaine des valeurs mobilières.

 

Madame P conclut, à distance, un contrat-cadre ayant pour objet de lui permettre d’effectuer des opérations, d’achat et de vente, sur le marché international des changes Foreign Exchange (Forex) en plaçant des ordres d’achat et de vente de la devise de base, que FIBO devait exécuter au moyen de sa plate-forme d’échange en ligne.

 

 I – 2.

 

Dans ce cadre, un ordre d’achat fut exécuté avec retard par FIBO et a entraîné une minoration du bénéfice attendu compte tenu de l’évolution du taux.

 

Madame P a alors assigné FIBO devant les juridictions tchèques sur le fondement des dispositions protectrices des consommateurs posées par les articles 17 et suivants du règlement (UE) Bruxelles I bis n° 1215/2012 du 12 décembre 2012 concernant la compétence judiciaire, la reconnaissance et l’exécution des décisions en matière civile et commerciale (Règlement Bruxelles I bis).

 

Toutefois, le contrat précité comportant une clause attributive de compétence qui obligeait les parties au contrat à saisir le juge chypriote en cas de litige, la juridiction tchèque saisie s’est déclarée incompétente.

 

La QPC suivante est alors soulevée : Madame P peut-elle au cas d’espèce être considérée comme un consommateur au sens du Règlement Bruxelles I bis ?

 

II – REPONSE DE LA CJUE

 

II – 1. Retour sur les dispositions pertinentes du Règlement Bruxelles I bis

 

L’article 17 au visa duquel est introduite l’action s’insère dans la section 4 dudit règlement sous l’intitulé « Compétence en matière de contrats conclus par les consommateurs » et prévoit que :

 

« 1. En matière de contrat conclu par une personne, le consommateur, pour un usage pouvant être considéré comme étranger à son activité professionnelle, la compétence est déterminée par la présente section, sans préjudice de l’article 6 et de l’article 7, point 5):

 

Lorsqu’il s’agit d’une vente à tempérament d’objets mobiliers corporels;

 

Lorsqu’il s’agit d’un prêt à tempérament ou d’une autre opération de crédit liés au financement d’une vente de tels objets; ou

 

Lorsque, dans tous les autres cas, le contrat a été conclu avec une personne qui exerce des activités commerciales ou professionnelles dans l’État membre sur le territoire duquel le consommateur a son domicile ou qui, par tout moyen, dirige ces activités vers cet État membre ou vers plusieurs États, dont cet État membre, et que le contrat entre dans le cadre de ces activités.

 

(…) ».

 

L’article 18 pose que :

 

1. L’action intentée par un consommateur contre l’autre partie au contrat peut être portée soit devant les juridictions de l’État membre sur le territoire duquel est domiciliée cette partie, soit, quel que soit le domicile de l’autre partie, devant la juridiction du lieu où le consommateur est domicilié. 

 

2. L’action intentée contre le consommateur par l’autre partie au contrat ne peut être portée que devant les juridictions de l’État membre sur le territoire duquel est domicilié le consommateur.

 

3. Le présent article ne porte pas atteinte au droit d’introduire une demande reconventionnelle devant la juridiction saisie de la demande originaire conformément à la présente section ».

 

II – 2. Interprétation restrictive de la définition de consommateur par la CJUE

 

Sans surprise, tranche le débat avec une réponse catégorique :

 

« Une personne physique qui, en vertu d’un contrat tel qu’un contrat financier pour différences conclu avec une société de courtage, effectue des opérations sur le marché international des changes […] par l’intermédiaire de cette société doit être qualifiée de « consommateur », au sens de [l’article 17 précité], si la conclusion de ce contrat ne relève pas de l’activité professionnelle de cette personne […] ».

 

Et les juges européens de compléter leur analyse restrictive :

 

« Aux fins de cette qualification, […] des facteurs tels que la valeur des opérations effectuées en vertu de contrats tels que les contrats financiers pour différences, l’importance des risques de pertes financières liés à la conclusion de tels contrats, les connaissances ou l’expertise éventuelles de ladite personne dans le domaine des instruments financiers ou son comportement actif dans le cadre de telles opérations sont, en tant que tels, en principe sans pertinence […] ».

 

Ainsi, la CJUE rappelle que la notion de consommateur doit être interprétée de manière restrictive, en se référant à la position de la personne considérée dans un contrat déterminé, en rapport avec la nature et la finalité de ce contrat, et non pas à sa situation subjective.

 

Seuls les contrats conclus en dehors et indépendamment de toute activité ou finalité d’ordre professionnel, dans l’unique but de satisfaire aux propres besoins de consommation privée d’un individu relèvent du régime particulier prévu par le Règlement Bruxelles I bis.

Print Friendly, PDF & Email
Partager cet article
Vivaldi Avocats