Liberté d’expression, lanceur d’alerte et nullité du licenciement

Patricia VIANE CAUVAIN
Patricia VIANE CAUVAIN - Avocat

Source : Cour de Cassation  Sociale 19/1/2022 n°20-10057

 

Un expert-comptable alerte son employeur sur la situation de conflits d’intérêt entre ses missions d’expert-comptable et celles de commissaires aux comptes et l’avise de ce qu’il saisira la Compagnie régionale des commissaires aux comptes s’il ne pouvait discuter de la question.

 

Il saisit la Compagnie régionale et est licencié en mars 2011 pour faute grave.

 

La Cour d’Appel considère que le licenciement est nul pour violation d’une liberté fondamentale.

 

L’employeur forme son pourvoi en soutenant que le prononcé de la nullité ne vise que les licenciements prononcés ensuite de la dénonciation d’infractions pénales, que la Cour d’Appel a violé l’article L 1121-1 du Code du Travail et l’article 10 §1 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales

 

Il ajoute avoir allégué la mauvaise foi du salarié qui l’avait menacé de saisir la compagnie régionale des commissaires aux comptes en réponse aux reproches adressés.

 

La Cour de Cassation approuve la décision de la Cour d’Appel :

 

  Elle relève l’atteinte portée à la liberté d’expression et en particulier pour le salarié au droit de signaler les actes ou conduites illicites et le fait pour le salarié d’avoir relaté de bonne foi des faits qui s’ils étaient établis seraient de nature  caractériser des infractions pénales ou des manquements à des obligations déontologiques prévues par la loi ou le règlement.

 

  Elle observe également que la Cour d’Appel a sans dénaturation, estimé que l’employeur n’avait pas dénoncé la fausseté des faits allégués.

 

La CEDH a jugé à plusieurs reprises, que les sanctions prises à l’encontre de salariés ayant divulgué des conduites ou des actes illicites constatés sur leur lieu de travail constituent une violation à leur droit d’expression au sens de l’article 10§1 de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme.

 

Les faits de l’espèce sont antérieurs aux textes prévus pour la protection des lanceurs d’alerte.

 

C’est en conséquence sur le terrain de la liberté d’expression qu’a été examiné en droit  le litige.

 

La décision de la Cour de Cassation s’inscrit à cet égard sans surprise dans le prolongement d’autres décisions.[1]

 

L’article L 1132-3-3 du Code du Travail dans sa rédaction issue de la loi no 2013-1117 du 6 décembre 2013 a depuis, prohibé le fait notamment d’écarter le salarié ou de le licencier pour avoir relaté ou témoigné, de bonne foi, de faits constitutifs d’un délit ou d’un crime dont il aurait eu connaissance dans l’exercice de ses fonctions

 

La loi no 2016-1691 du 9 décembre 2016 a de son côté institué un cadre général pour la protection des lanceurs d’alerte.

 

La protection des lanceurs d’alerte devrait encore évoluer sous peu .

 

[1] Soc. 30 juin 2016, no 15-10.557

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