L’employeur peut-il produire en justice un enregistrement de vidéosurveillance illicite pour démontrer les griefs invoqués à l’encontre du salarié ?

Judith Ozuch
Judith Ozuch

La Cour de cassation rappelle que l’illicéité d’une preuve obtenue par vidéosurveillance n’emporte pas nécessairement son irrecevabilité des débats au visa des articles 6 et 8 de la Convention de sauvegarde de droits de l’homme et des libertés fondamentales.

Sources : Cass. soc., 8 mars 2023, n° 21-17.802, FS-B

Une salariée a été engagée, le 22 octobre 2007, en qualité de prothésiste ongulaire et a été licenciée pour faute grave par lettre du 12 août 2013.

Afin d’appuyer les griefs reprochés à sa salariée, l’employeur avait produit en justice des extraits de vidéosurveillance considérés comme illicite dans la mesure où il n’avait informé la salariée ni des finalités du dispositif de vidéosurveillance ni de la base juridique qui le justifiait.

Les enregistrements avaient permis de confirmer les soupçons de vol et d’abus de confiance à l’encontre de la salariée.

L’illicéité de la preuve produite en justice n’emporte pas de fait son irrecevabilité. Le juge doit, lorsque cela lui est demandé, apprécier si l’utilisation de cette preuve a porté atteinte au caractère équitable de la procédure dans son ensemble.

La Cour de cassation avait déjà pris une décision en ce sens en mettant en balance le droit au respect de la vie personnelle du salarié et le droit à la preuve, lequel peut justifier la production d’éléments portant atteinte à la vie personnelle de ce dernier à la condition que cette production soit indispensable à l’exercice de ce droit et que l’atteinte soit strictement proportionnée au but poursuivi[1].

En l’espèce, la Cour de cassation rappelle de façon pédagogique la méthode à appliquer par les juges du fond pour apprécier la recevabilité d’une preuve illicite.

Ainsi, en présence d’une preuve illicite :

  1. Le juge doit d’abord s’interroger sur la légitimité du contrôle opéré par l’employeur et vérifier s’il existait des raisons concrètes qui justifiaient le recours à la surveillance et l’ampleur de celle-ci.
  2. Il doit ensuite rechercher si l’employeur ne pouvait pas atteindre un résultat identique en utilisant d’autres moyens plus respectueux de la vie personnelle du salarié.
  3. Enfin le juge doit apprécier le caractère proportionné de l’atteinte ainsi portée à la vie personnelle au regard du but poursuivi.

Dès lors, la démonstration d’un grief peut en effet permettre la production d’éléments portant atteinte à la vie personnelle d’un salarié sous réserve que cette production soit indispensable à l’exercice du droit à la preuve, d’une part, et que l’atteinte portée à la vie personnelle soit strictement proportionnée au but poursuivi, d’autre part.


[1] Voir en ce sens Cass. soc., 10 nov. 2021, n° 20-12.263 et Cass. soc., 25 nov. 2020, n° 17-19.523

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