Les intérêts d’un compte courant d’associé rémunéré et son traitement en procédure collective.

Etienne CHARBONNEL
Etienne CHARBONNEL - Avocat associé

 

Source : Cass. Com., 27 septembre 2017, pourvoi n° 16-19.394 F-P+B.

 

L’arrêt ici commenté est particulièrement intéressant, dans la mesure où il apporte plusieurs précisions très importantes sur la nature des créances d’intérêts. Elles sont d’autant plus intéressantes que les intérêts en cause sont ceux issus d’un compte courant d’associé créditeur, là où l’essentiel de la jurisprudence sur les créances d’intérêts porte habituellement sur les prêts bancaires.

 

Les faits se présentent comme suit : un associé déclare au passif sa créance de compte courant d’associé, laquelle se décompose en deux postes :

 

– Le principal du compte courant d’associé (bloqué pour 7 ans) ;

 

– Les intérêts courus pour les deux années précédant le jugement d’ouverture.

 

Puis, au cours de la période d’observation, l’Assemblée Générale de la société vote une résolution validant la rémunération du compte courant au taux légal pour le dernier exercice clos, soit postérieurement au jugement d’ouverture. La Cour d’Appel avait validé la résolution votée en assemblée et condamné la société à lui payer la somme objet de cette résolution. La Cour de cassation censure l’arrêt d’appel par un raisonnement qui mérite une large publication de l’arrêt et le présent commentaire.

 

Tout d’abord, s’est posée la question de la poursuite du cours des intérêts sur la créance de compte courant. En effet, l’article L. 622-28 du Code de Commerce dispose que « le jugement d’ouverture arrête le cours des intérêts légaux et conventionnels, ainsi que de tout intérêt de retard et majoration, à moins qu’il ne s’agisse des intérêts résultant de contrats de prêts conclus pour une durée égale ou supérieure à un an, ou de contrats assortis d’un paiement différé d’un an ou plus ».

 

Tout l’intérêt de l’arrêt réside alors dans la qualification du compte courant d’associé en contrat de crédit. En outre, sauf à ce qu’il exige une convention de compte courant d’associé qui fixerait la durée du prêt à moins d’un an, l’arrêt confirme que les intérêts assortissant la créance de compte courant se poursuivent bien postérieurement au jugement d’ouverture, s’agissant d’une créance à plus d’un an.

 

Mais la Cour de cassation ajoute à cette confirmation d’une position qui transparaissait d’un arrêt antérieur et qui n’est finalement pas une grande surprise, une précision à notre connaissance inédite, mais pouvant s’appliquer à tout contrat de prêt : la créance d’intérêts continués au cours de la période d’observation est une créance antérieure par voie d’accessoire, car se rapportant à une créance de compte courant elle-même antérieure au jugement d’ouverture.

 

Si la solution était appelée de ses vœux par la doctrine et confirmée par certaines juridictions du fond, la Cour de cassation ne s’était semble-t-il encore jamais prononcée. La Cour confirme ainsi une solution qu’elle a déjà validée par ailleurs dans le cadre d’autres contentieux sur la qualification de créance antérieure ou postérieure du fait générateur de la créance : s’agissant des intérêts, la date de naissance de la créance est bien celle du fait générateur (ouverture du compte courant) et non l’exigibilité de celle-ci (le vote par l’assemblée de la rémunération du compte).

 

La portée de cette décision est extrêmement large : tous les intérêts continués au cours de la période d’observation, qu’il s’agisse bien évidemment des créances de compte courant, mais plus généralement de tout contrat de crédit, sont bien des créances antérieures, par voie d’accessoire.

 

Et la Cour de cassation de poursuivre son raisonnement : dès lors que les intérêts continués sont une créance antérieure, ils doivent donc être déclarés au passif, à peine d’inopposabilité à la procédure collective.

 

En l’espèce, l’associé titulaire du compte courant avait déclaré le principal du compte et les intérêts dus pour les deux exercices précédant le jugement d’ouverture. Il s’était en revanche gardé de préciser que des intérêts seraient dus pour les exercices futurs, c’est-à-dire qu’il avait omis de déclarer la partie de sa créance simplement à échoir.

 

Dès lors, la Cour de cassation considère que le jeu de l’inopposabilité doit s’appliquer à sa créance, faute pour lui de l’avoir fait valoir en temps utile, à l’ouverture de la procédure.

 

Là encore, la précision est d’importance, car s’il est usuel, pour les banques titulaires d’un contrat de crédit, de déclarer les intérêts à échoir, en matière de compte courant d’associé, la pratique est beaucoup moins répandue, de sorte que cet arrêt, absolument essentiel, doit retenir l’attention des praticiens, tout en étant parfaitement approuvé.

 

Etienne CHARBONNEL

Associé

Vivaldi-Avocats

2018-04-06 01:00:00

 

 

 

 

 

 

 

 

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