Les gérants associés d’une E.U.R.L. ou d’une S.A.R.L. peuvent/doivent-ils bénéficier d’une procédure collective ?

Etienne CHARBONNEL
Etienne CHARBONNEL - Avocat associé

 

Sources :

Cass. 2ème Civ., 13 octobre 2016, pourvoi n° 15-24.301 F-P+B

Cass. Com., 15 novembre 2016, pourvoi n° 14-29.043 F+P+B

 

La question de l’application ou non des règles des procédures collectives aux dirigeants de S.A.R.L. semblait indiscutablement tranchée. C’est donc avec surprise que l’on constate la publication d’arrêts de la Cour de cassation qui est de nouveau amenée à contrôler les Juges du fond sur ce type de questions. La jurisprudence reste constante, mais constitue un rappel utile des mécanismes en cause.

 

Deux Chambres de la Cour de cassation, en l’occurrence la 2ème Chambre Civile et la Chambre Commerciale, ont donc rendu chacune un arrêt concernant à chaque fois un gérant majoritaire d’une Société A Responsabilité Limitée.

 

La 2ème Chambre Civile, tout d’abord, dans son arrêt du 13 octobre 2016, casse une décision d’un Tribunal d’Instance, qui avait jugé irrecevable la demande formulée par un gérant associé d’une E.U.R.L., ayant avait saisi la Commission de surendettement des particuliers d’une demande de traitement de sa situation financière. En effet, le Tribunal d’Instance avait retenu le motif selon lequel le gérant exploitait directement une E.U.R.L. et, dans la mesure où il était à la fois associé unique et dirigeant de fait de cette société commerciale, il effectuait des actes de commerce.

 

La Cour de cassation considère, à l’inverse et sans grande surprise, que la seule qualité d’associé unique et de gérant de l’E.U.R.L. ne suffit pas pour lui appliquer le régime des procédures collectives. La Cour de cassation s’était déjà prononcée sur la question, jugeant que le gérant de la S.A.R.L. n’exerce pas une activité professionnelle indépendante et distincte de celle de la société qu’il dirige.

 

La Chambre Commerciale, quant à elle, dans son arrêt du 15 novembre 2016, traite de la situation d’un gérant majoritaire d’une S.A.R.L. Celui-ci avait été assigné par une Caisse de Sécurité Sociale agricole, suite au redressement judiciaire ayant abouti à un plan de la société qu’il dirigeait. Le Tribunal de Grande Instance en effet considéré que le gérant était redevable de cotisations personnelles au titre de son régime de protection sociale, et relevait donc du droit des procédures collectives.

 

Contre toute attente, le jugement est confirmé par la Cour d’Appel de BORDEAUX. Celle-ci retient l’exercice par le gérant d’une activité professionnelle, en qualité de chef d’exploitation (il s’agissait d’une société agricole), lequel participait aux travaux agricoles indépendamment de son activité de gérant chargé des tâches administratives de la S.A.R.L.

 

Là encore, sans surprise, la Cour de cassation censure l’arrêt d’appel, reprochant à la Cour d’Appel de n’avoir pas recherché si la participation du gérant aux travaux agricoles relevait de l‘exercice individuel d’une activité distincte de l’exploitation de la S.A.R.L. Elle ajoute le grief selon lequel la Cour d’Appel n’avait pas recherché si l’affiliation à la MSA (Caisse de Sécurité Sociale) ne découlait pas de son seul statut de gérant de la S.A.R.L.

 

Le raisonnement juridique suivi par les juges du fond est ici un peu plus fin, mais manifestement erroné : la Cour d’Appel a manifestement confondu l’application du régime de la Loi de sauvegarde pour un entrepreneur individuel et l’assimilation faite par le Code de la Sécurité Sociale du gérant majoritaire au statut de travailleur non salarié. En effet, lorsqu’il est simplement minoritaire, le gérant, conformément aux dispositions de l’article L. 311-3 11° du Code de la Sécurité Sociale, est soumis au régime général des salariés, dès lors qu’il ne détient pas, avec les autres gérants, ainsi que son conjoint et ses enfants, plus de la moitié du capital social.

 

A l’inverse, selon les dispositions de l’article R. 241-2 du Code de la Sécurité Sociale, le gérant majoritaire d’une S.A.R.L., ou le gérant associé unique d’une E.U.R.L., est considéré comme un travailleur indépendant (Travailleur Non Salarié) assujetti aux cotisations d’allocations familiales, et donc affilié aux caisses d’assurance vieillesse du régime social des indépendants (RSI).

 

Il s’agit là pourtant uniquement de la question du régime social (et fiscal) du gérant, selon la structure du capital social de la société.

 

En revanche, cette distinction n’opère pas en cas de difficulté financière, lorsqu’il s’agit d’orienter la procédure de traitement des difficultés financières personnelles de ce gérant : dans cette hypothèse, il faut bien constater que le gérant, même majoritaire et même avec un statut de TNS n’exploite pas personnellement l’entreprise, mais dirige et contrôle une personne morale qui est seule exploitante du fonds. Si l’activité est en difficulté, c’est bien la S.A.R.L. ou l’E.U.R.L. qui doit être soumise au droit des procédures collectives, son dirigeant relevant, quant à lui, de la procédure de surendettement des particuliers.

 

La solution est donc bien commune et constante entre les différentes Chambres de la Cour de cassation : le gérant d’une S.A.R.L. (ou E.U.R.L.) ne peut être soumis au régime du droit des procédures collectives, mais doit se voir appliquer le régime du surendettement des particuliers.

 

Le rappel semble utile, puisque certaines juridictions du fond semblent encore faire l’erreur.

 

Etienne CHARBONNEL

Vivaldi-Avocats

 

 

 

 

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