Les conséquences d’une mention non obligatoire mais erronée dans une annonce BODACC

Etienne CHARBONNEL
Etienne CHARBONNEL - Avocat associé

 

 

Source : Cass. Com. 27 janvier 2015, Pourvoi n°13-24.619 FS-P+B

 

Les faits de l’espèce laissent apparaître une vraie difficulté pour la banque, qui n’a, semble-t-il, pas laissé indifférent la Cour de Cassation.

 

La banque consent en effet, un prêt à une société en date du 10 juin 2008, emprunt qui fait l’objet d’une inscription de nantissement sur fonds de commerce en date du 21 avril 2010. La société emprunteuse est placée en redressement judiciaire et la date de cessation des paiements fixée au 1er avril 2010, soit antérieurement à la prise de garantie.

 

Pour autant, l’avis du jugement inséré le 29 août au BODACC mentionne par erreur, une date de cessation des paiements au 11 octobre 2010, c’est-à-dire postérieurement à l’inscription du nantissement !

 

La Banque déclare, sans surprise, une créance privilégiée dans la mesure où elle dispose de ce nantissement.

 

Le liquidateur, après conversion de la procédure en liquidation judiciaire, assigne la banque en annulation du nantissement, celui-ci ayant été pris en cours de période suspecte et pouvant donc être annulé de plein droit sur le fondement des nullités de cette période suspecte. C’est donc dans le cadre de cette procédure en annulation que la Banque découvre que la date des cessations des paiements retenue par le jugement d’ouverture du redressement est en fait le 1er avril, et non la date figurant sur l’avis au BODACC au 11 octobre 2010.

 

Dans ces conditions, la Banque exerce une tierce opposition à l’encontre du jugement d’ouverture, alléguant du fait que, l’avis au BODACC présentant une erreur, il n’a pas valablement fait courir le délai de tierce opposition, qui n’était pourtant que de 10 jours.

 

La Cour d’Appel retient l’irrecevabilité de la tierce opposition, faisant le constat que la date de cessation des paiements n’est pas une mention obligatoire reprise par l’article L.621-8, devant figurer sur un avis d’insertion au BODACC.

 

A l’inverse, toutes les mentions obligatoires figuraient bien sur ledit avis, qui était donc valable et avait tout aussi valablement fait courir le délai de tierce opposition.

 

A ce stade de l’exposé, il faut bien constater que l’enchainement des évènements est particulièrement défavorable à la banque puisque, à supposer que la veille juridique ait parfaitement été exécutée par l’établissement, celui-ci n’avait aucun moyen d’identifier seul, l’erreur figurant sur le BODACC et corrélativement de protéger ses intérêts en introduisant, dans les délais, la tierce opposition. Et dans le même temps, force est de reconnaître que l’avis d’insertion au BODACC comportait toutes les mentions obligatoires, et que l’ensemble des mentions obligatoires était correct …

 

Les vents semblaient particulièrement contraires à la banque.

 

Mais c’était sans compter la position de la Cour de Cassation, qui rend un arrêt dont l’attendu de principe laisse quelque peu perplexe et mérite d’être cité : « Attendu que, s’il ne résulte pas de ces textes que l’avis du jugement d’ouverture de la procédure de redressement judiciaire inséré au Bulletin Officiel Des Annonces Civiles et Commerciales doit mentionner la date de cessation des paiements que ce jugement fixe, l’indication de cette date, lorsqu’elle figure dans l’insertion, doit être exacte. »

 

La Cour de Cassation retient, en quelque sorte, le grief que cause un avis plus complet que ce qu’il aurait dû être.

 

Elle ne semble en revanche pas reprendre à son compte le moyen produit par la Banque au soutien de son pourvoi, qui soutenait astucieusement que l’article R.621-8, listant les mentions obligatoires, est un article applicable en sauvegarde, c’est-à-dire par définition, applicable à une procédure où justement l’état de cessation des paiements n’existe pas et ne peut donc être daté. L’article R.621-8 du Code de Commerce est applicable au redressement judiciaire par renvoi de l’article R.631-7 du même code et ne précise pas les mentions complémentaires qui devraient figurer pour un avis relatif à l’ouverture d’un redressement.

 

Ainsi, là où le pourvoi soutenait l’obligation, pour la Cour d’Appel d’interpréter, et en quelque sorte, d’extrapoler les dispositions applicables en sauvegarde pour les rendre applicables en redressement, la Cour de Cassation se contente de retenir le grief causé par une publication plus complète que celle ne devrait être, mais malheureusement erronée sur les mentions supplémentaires. Il est également intéressant de noter que, l’arrêt est un arrêt publié, et que la Cour de Cassation considère donc qu’il ne s’agit pas d’un cas d’espèce à la portée limitée, mais bien d’une décision ayant vocation à poser une jurisprudence constante.

 

Etienne CHARBONNEL

Vivaldi-Avocats

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