Le juge des référés est-il compétent pour examiner la demande de contestation du licenciement du lanceur d’alerte ?

Judith Ozuch
Judith Ozuch

Sources : Cour de cassation, Chambre sociale, 1er février 2023, n° 21-24.271, FS-B

La Cour de cassation répond par l’affirmative. Le juge des référés, auquel il appartient, même en présence d’une contestation sérieuse, de mettre fin au trouble manifestement illicite que constitue la rupture d’un contrat de travail consécutive au signalement d’une alerte, doit apprécier si les éléments qui lui sont soumis permettent de présumer que le salarié a relaté ou témoigné de bonne foi de faits constitutifs d’un délit ou d’un crime, ou qu’il a signalé une alerte. Dans l’affirmative, il lui appartient de rechercher si l’employeur rapporte la preuve que sa décision de licencier est justifiée par des éléments objectifs étrangers à la déclaration ou au témoignage de ce salarié.

En l’espèce, une salariée a saisi le comité d’éthique du groupe dans lequel elle travaillait pour signaler des faits susceptibles d’être qualifiés de corruption, mettant en cause des anciens collaborateurs et son employeur. Elle a informé le comité de faits de harcèlement faisant suite à cette alerte. Le comité d’éthique a conclu à l’absence de situation contraire aux règles et principes éthiques et la salariée s’est vu notifier son licenciement.

Elle a donc saisi la formation des référés de la juridiction prud’homale afin de faire juger son licenciement nul en violation du statut protecteur des lanceurs d’alerte.

La cour d’appel rejette la demande considérant qu’il n’y a pas lieu à référé.

La Cour de cassation casse l’arrêt de la cour d’appel au visa de l’article L.1132-3-3 du code du travail[1], et des articles L. 1132-4 et R. 1455-6 du même code.

La Haute juridiction rappelle que le juge des référés, auquel il appartient, même en présence d’une contestation sérieuse, de mettre fin au trouble manifestement illicite que constitue la rupture d’un contrat de travail consécutive au signalement d’une alerte, doit apprécier si les éléments qui lui sont soumis permettent de présumer que le salarié a relaté ou témoigné de bonne foi de faits constitutifs d’un délit ou d’un crime, ou qu’il a signalé une alerte dans le respect des articles 6 à 8 de la loi n° 2016-1691 du 9 décembre 2016.

La cour d’appel aurait donc dû retenir la compétence du juge des référés, auquel il appartenait de rechercher si l’employeur avait rapporté la preuve que sa décision de licencier était justifiée par des éléments objectifs étrangers à la déclaration ou au témoignage de ce salarié.


[1] dans sa rédaction antérieure à la loi n° 2022-401 du 21 mars 2022

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