Le commandement aux fins de saisie-vente caduc interrompt la prescription

Geneviève FERRETTI
Geneviève FERRETTI

  

SOURCE : Cass. Civ 2., 13 mai. 2015, n° 14-16.025. Arrêt n° 763 P + B +R +I

 

C’est une nouvelle problématique que vient de trancher la deuxième Chambre Civile de la Cour de Cassation dans son arrêt rendu le 13 mai 2015 : celui de savoir si un commandement aux fins de saisie-vente qui, sans être un acte d’exécution forcée, engage la mesure d’exécution forcée interrompt la prescription de la créance qu’il tend à recouvrer.

 

Tel est le sens de l’arrêt rapporté, rendu par la deuxième chambre civile de la Cour de Cassation le 13 mai 2015.

 

En l’espèce, la société X se prévalant d’une cession de créance, constatée dans un acte notarié, contre Mme Y a fait délivrer à cette dernière un commandement aux fins de saisie-vente, puis a fait inscrire deux hypothèques judiciaires provisoires sur des biens immobiliers lui appartenant.

 

Mme Y a saisi le Juge de l’Exécution aux fins qu’il en ordonne la mainlevée, puis a interjeté appel du jugement ayant rejeté sa demande.

 

Pour constater l’extinction de l’action de la société X. par l’effet de la prescription, déclarer irrecevables les demandes formées par la société X et ordonner, en conséquence, la radiation des hypothèques, la Cour d’Appel énonce que le délai de prescription de la créance, réduit à deux ans par la loi du 17 juin 2008 relative à la prescription expirait le 19 juin 2010 a retenu qu’en vertu de l’article 2244 du Code Civil, dans sa rédaction issue de cette loi, que le délai de prescription ne pouvait être interrompu que par un acte d’exécution forcée.

 

La Cour d’Appel, de considérer alors, que le commandement aux fins de saisie-vente et les inscriptions provisoires d’hypothèque ne constituant des actes d’exécution forcée, n’ont pas valablement interrompu la prescription.

 

Se référant aux articles 2244 du code civil[1], L. 221-1-1[2], R.221-5[3] du Code des Procédures Civiles d’Exécution, la Haute Cour considère que :

 

       le commandement visé par l’article L.221-1 précité engage la mesure d’exécution forcée que constitue la saisie-vente ;

       La mesure d’exécution forcée que constitue la saisie-vente a l’effet interruptif que prévoit l’article 2244 du Code Civil dans sa rédaction applicable à la cause ;

 

Dés lors, en décidant le contraire parce que le commandement aux fins de saisie-vente ne constituerait pas un acte d’exécution forcée au sens strict, la cour d’appel a violé les articles L.221-1 du Code des Procédures Civiles d’Exécution et 2244 du Code Civil dans sa rédaction applicable en l’espèce.

 

Cet arrêt est promis à une large diffusion, dés lors qu’il fait suite à une série d’arrêts parfois contradictoires, rendus en matière de saisie immobilière, relatifs à la question des effets du commandement de payer caduc.

 

En effet, après avoir jugé que le commandement de payer valant saisie, même non publié dans le délai légal avait un effet interruptif de prescription[4], la deuxième chambre civile de la Cour de Cassation a jugé que la caducité qui atteint une mesure d’exécution la prive rétroactivement de tous ses effets, et, par conséquent, de son effet interruptif de prescription[5]. Quelques jours plus tard, la Haute Juridiction rend encore une décision affirmant cette fois-ci que la péremption du commandement valant saisie immobilière, est sans incidence sur l’effet interruptif de la prescription.[6]

 

Dans l’arrêt présentement commenté, au visa des articles 2244 du Code Civil[7] et R.221-5 du Code des Procédures Civiles d’Exécution, la Cour de Cassation reprend cette dernière solution pour le commandement aux fins de saisie-vente.

 

Geneviève FERRETTI

Vivaldi-Avocats

 


[1] « Le délai de prescription ou le délai de forclusion est également interrompu par une mesure conservatoire prise en application du code des procédures civiles d’exécution ou un acte d’exécution forcée . »

[2] « Tout créancier muni d’un titre exécutoire constatant une créance liquide et exigible peut, après signification d’un commandement, faire procéder à la saisie et à la vente des biens meubles corporels appartenant à son débiteur, qu’ils soient ou non détenus par ce dernier (…) » .

[3] « Si, dans un délai de deux ans qui suit le commandement de payer, aucun acte d’exécution n’est intervenu, les poursuites ne peuvent être engagées que sur un nouveau commandement. Toutefois, l’effet interruptif de prescription du commandement demeure. »

[4] Cass. 2.Civ., 24 mars 2005, n° 02-20.216, n° 494 P+B+R ; Cass. 2.Civ., 30 janvier 2014, n° 12-28.443

[5] Cass. 2.Civ., 4 septembre 2014, n° 13-11.887, n° 1355 P+B

[6] Cass. 2.Civ., 25 septembre 2014, n° 13-19.935, n° 1478 P+B

[7]Remarque : l’article 2244 du Code Civil modifié par l’ordonnance du 19/12/2011 relative à la partie législative du Code des Procédures Civiles d’Exécution, prévoit désormais que le délai de prescription peut être interrompu par une mesure conservatoire ou un acte d’exécution forcée.

 

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