L’assureur dommages-ouvrage qui indemnise le maître d’ouvrage en raison des désordres de nature décennale apparents à la réception ne dispose d’aucun recours contre l’assureur décennal du constructeur responsable.
Source : Cass. 3e civ.,11 mai 2022, n° 21-15.217, FS-B
Contrairement à l’assureur décennal des constructeurs, l’assureur dommages-ouvrage peut garantir les désordres apparents à la réception.
En effet, le Code des assurances conditionne la mise en œuvre des garanties de l’assureur dommages-ouvrage par la nature physique des désordres et non par leur origine.
Si, en matière d’assurance décennale, la réception sans réserve en présence de vices apparents produit un effet de purge et fait ainsi obstacle à la mobilisation des garanties de l’assureur décennal, tel n’est pas le cas s’agissant des garanties de l’assureur dommages-ouvrage.
L’assureur dommages-ouvrage doit donc préfinancer la reprise des désordres qui compromettent la destination ou la solidité de l’ouvrage, qu’ils soient apparents ou cachés à la réception.
Une fois le maître d’ouvrage indemnisé, l’assureur dommages-ouvrage exerce ses recours contre les responsables et leurs assureurs.
L’assureur dommages-ouvrage étant subrogé dans les droits du maître d’ouvrage, il n’a pas plus de droits que le créancier originaire de l’ouvrage.
En application de ce principe, l’assureur DO qui indemnise les maîtres de l’ouvrage pour des désordres apparents couverts par la réception, ne saurait faire supporter à l’assureur de responsabilité décennale du constructeur les conséquences financières de sa couverture. En effet, les maîtres de l’ouvrage ne disposent d’aucun recours contre l’entrepreneur, et, par extension, contre l’assureur en décennale, l’assurance obligatoire de responsabilité décennale ne garantissant pas les désordres apparents qui, quel que soit leur degré de gravité, sont couverts par la réception sans réserve.
En l’espèce, des travaux avaient été réceptionnés par lots, certains avec réserves.
Se plaignant de désordres, les maîtres de l’ouvrage avaient, après expertise, assigné en réparation les constructeurs et leurs assureurs.
En appel, l’assureur de responsabilité décennale de l’entreprise chargée du lot gros œuvre avait été condamné à garantir l’assureur DO au motif que le désordre qui était imputable à son assurée étant de nature décennale, l’assureur DO, subrogé dans les droits des maîtres de l’ouvrage, bénéficiait de la présomption de responsabilité de l’article 1792 du code civil et devait, à ce titre, être garanti par l’assureur de responsabilité décennale.
L’assureur décennal de l’entreprise de gros œuvre forme un pourvoi en cassation et l’arrêt est cassé :
« Vu l’article L. 121-12 du code des assurances et les articles 1251, 3°, et 1252 du code civil, dans leur rédaction antérieure à celle issue de l’ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016 :
En application du premier de ces textes, l’assureur qui a payé l’indemnité d’assurance, fût-ce en exécution d’une décision de justice, est subrogé, jusqu’à concurrence de cette indemnité, dans les droits et actions de l’assuré contre les tiers qui, par leur fait, ont causé le dommage ayant donné lieu à la responsabilité de l’assureur.
Il résulte des deux derniers que le subrogé ne peut avoir plus de droits que le subrogeant.
Pour condamner la société Dematteo à garantir partiellement la MAF, en sa qualité d’assureur dommages-ouvrage, de la condamnation prononcée contre celle-ci au titre du déchaussement des fondations et de l’ensemble des murs périphériques et de refend, l’arrêt retient que le désordre étant de nature décennale, la MAF, subrogée dans les droits des maîtres de l’ouvrage, bénéficie de la présomption de responsabilité de l’article 1792 du code civil.
En statuant ainsi, alors qu’elle avait retenu, par motifs adoptés, que le désordre apparent avait été couvert par la réception sans réserve, de sorte que les maîtres de l’ouvrage ne disposaient d’aucun recours sur aucun fondement à l’encontre de la société Dematteo, la cour d’appel a violé les textes susvisés ».
Comme l’énonce la Cour de cassation, si l’assureur qui a payé l’indemnité d’assurance, fût-ce en exécution d’une décision de justice, est subrogé, jusqu’à concurrence de cette indemnité, dans les droits et actions de l’assuré contre les tiers qui, par leur fait, ont causé le dommage ayant donné lieu à la responsabilité de l’assureur, le subrogé ne peut avoir plus de droits que le subrogeant.
En l’espèce, la cour d’appel ne pouvait donc juger que l’assureur DO, subrogé dans les droits des maîtres de l’ouvrage, bénéficiait de la présomption de responsabilité de l’article 1792 du code civil, alors qu’elle avait retenu, par motifs adoptés, que le désordre apparent avait été couvert par la réception sans réserve, de sorte que les maîtres de l’ouvrage ne disposaient d’aucun recours sur aucun fondement à l’encontre du constructeur.