La conclusion d’un contrat de sponsoring ne constitue pas nécessairement un usage sérieux d’une marque.

Vianney DESSENNE
Vianney DESSENNE - Avocat

Dans un arrêt du 22 juin 2022, la Cour de cassation opère une distinction entre contrat de sponsoring et contrat de licence pour écarter l’usage sérieux d’une marque.

Source : Cass., com., 22 juin 2022, pourvoi n°21-10.051, F-D

En matière d’obligation d’usage de la marque, il convient de se référer à l’article L.714-5 du Code de la propriété intellectuelle suivant lequel :

« Encourt la déchéance de ses droits le titulaire de la marque qui, sans justes motifs, n’en a pas fait un usage sérieux, pour les produits ou services pour lesquels la marque est enregistrée, pendant une période ininterrompue de cinq ans. »

Selon une jurisprudence constante, il est établi que l’usage sérieux doit s’entendre lorsqu’une marque est utilisée conformément à sa fonction essentielle qui est de garantir l’identité d’origine des produits ou des services pour lesquels elle a été enregistrée, aux fins de créer ou de conserver un débouché pour ces produits et services, à l’exclusion d’usages de caractère symbolique ayant pour seul objet le maintien des droits conférés par la marque.

L’article précité ajoute :

            « Est assimilé à un usage au sens du premier alinéa :

            1° l’usage fait avec le consentement du titulaire de la marque. »

Ainsi, le titulaire d’une marque n’est pas obligé d’en faire un usage personnel, la conclusion, à titre d’exemple, d’un contrat de licence suffit à qualifier l’usage sérieux.

Dans l’espèce étudiée, la société L’EQUIPE est titulaire de la marque complexe éponyme, enregistrée auprès de l’INPI le 11 décembre 1996 sous le numéro 96654944 visant, ce qui est assez surprenant, l’ensemble des classes définies par l’Arrangement de Nice déterminant une nomenclature des produits et services servant de référence dans le cadre du dépôt de marque.

C’est en cette qualité que la société L’EQUIPE va attraire devant le Tribunal de grande instance de Strasbourg, sur le fondement de la contrefaçon, la société SPORT CO ET MARQUAGE, titulaire de la marque EQUIP’SPORT déposée le 30 janvier 2007 sous le numéro 3478011, son enregistrement visant notamment les services d’éducation, formation, activités sportives et culturelles, services de loisir et organisation de concours (éducation ou divertissement) détaillés en classe 41.

Dans le cadre de cette procédure, la société assignée va formuler une demande reconventionnelle en déchéance de la marque antérieure servant de base à cette action, pour défaut d’usage sérieux, s’agissant uniquement des services précités.

Pour contester cette demande, la société L’EQUIPE va s’appuyer sur son sponsoring d’une épreuve de course à pied organisée par la société AMAURY SPORT ORGANISATION, filiale du groupe AMAURY auquel appartient la société L’EQUIPE éditrice du célèbre quotidien sportif.

Dans son jugement du 9 avril 2014, le TGI de Strasbourg avait prononcé la déchéance partielle de la marque pour les services litigieux listés en classe 41.

Appelée à statuer en cause d’appel, la Cour d’appel de Colmar avait confirmé la position adoptée en première instance.

Saisie une première fois, la Cour de cassation casse partiellement l’arrêt d’appel sur le seul fondement du respect d’une règle de procédure (Cass., Com ., 27 mars 2019, pourvoi n°17-18.733).

Statuant sur renvoi, la Cour d’appel de Nancy avait confirmé la déchéance de la marque L’EQUIPE pour les services litigieux (arrêt du 29 septembre 2020, n°19/02726).

Un nouveau pourvoi est formé, la société L’EQUIPE soutenant qu’un contrat de partenariat justifie l’usage sérieux de sa marque pour les services visés à l’enregistrement en classe 41.

Dans son arrêt du 22 juin 2022 (pourvoi n°21-10.051), la Cour de cassation confirme la position de la Cour d’appel qualifiant l’absence d’usage sérieux de la marque L’ÉQUIPE au motif que le contrat de sponsoring, sur lequel s’appuyait la société L’EQUIPE pour démontrer son usage de la marque litigieuse, n’avait pour seul objet que le parrainage d’une compétition destiné à communiquer sur ses activités.

Pour la Cour, le fait de faire de la publicité pour une marque à travers un contrat de parrainage sportif constitue un usage de cette marque, cependant, cet usage couvre les produits et services réellement développés par son titulaire, ici des activités de presse et de média, et non pour des activité sportives ou culturelles organisées par un tiers.

L’arrêt ajoute que la circonstance que la marque donne son nom à une épreuve sportive ne modifie pas l’économie générale du contrat de sponsoring qui exclut, par sa nature même, l’idée d’un usage de marque conforme à sa fonction essentielle.

Ainsi, la Cour considère que le sponsoring et l’octroi d’une licence sont de nature bien différentes, le premier consistant à encadrer une opération de communication alors que la finalité du contrat de licence est de concéder des droits en relation avec les activités du titulaire de la marque, en l’occurrence des activités de presse et média et non l’organisation de manifestations sportives par le tiers bénéficiaire du parrainage.

Dans ces conditions, la déchéance de la marque pour les services définis en classe 41 est confirmée, faute d’en démontrer un usage sérieux suivant les critères précédemment définis.

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