Source : Cour de cassation, 2ème Chambre civile, 16 décembre 2021, N°20.16.485
I – Conformément aux articles L 711-1 et suivants du Code de la consommation, pour qu’une personne physique soit éligible aux mesures de traitement des situations de surendettement des particuliers, plusieurs conditions doivent être réunies, savoir :
Être une personne physique
Être de bonne foi
Être dans une situation de surendettement, caractérisée par l’impossibilité manifeste de faire face à l’ensemble des dettes non-professionnelles exigibles et à échoir.
Cependant, le même code prévoit que « les dispositions du présent livre ne s’appliquent pas lorsque le débiteur relève des procédures instituées par le livre VI du code de commerce ».
En pratique, outre les personnes morales, le dispositif de surendettement des particuliers exclut également les personnes physiques exerçant :
Une activité commerciale, artisanale, ou une activité agricole,
Une activité professionnelle indépendante.
La jurisprudence s’est d’ores et déjà prononcée sur l’application du dispositif de surendettement des particuliers à une personne physique exerçant une activité professionnelle, sans remplir le caractère d’indépendance.
Le cas d’espèce concernait une profession libérale, exerçant en qualité d’associé d’une Société Civile Professionnelle (SCP), elle-même objet d’une procédure collective.
Confronté au refus de la Commission de Surendettement d’accueillir sa demande, il saisit le juge. Ce dernier ne va pas davantage dans son sens, puisqu’il considère que le débiteur exerce son activité sous la forme d’une SCP et qu’une partie importante du passif de ce dernier provient de cette activité professionnelle libérale, raison pour laquelle il devrait être soumis aux dispositions relatives aux procédures collectives des entreprises en difficultés. En outre, il considère que les dettes, qui résultent en partie seulement d’une activité libérale entraînaient l’exclusion du débiteur de la procédure de traitement des situations de surendettement des particuliers.
La Cour de cassation s’est pourtant positionnée à contrecourant à l’époque et directement en ces termes :
« L’orthodontiste associé d’une société civile professionnelle, n’agit pas en son nom propre mais exerce ses fonctions au nom de la société. En conséquence, à défaut d’avoir une activité professionnelle indépendante au sens de l’article L. 631-2 du code de commerce, il est éligible à la procédure de surendettement des particuliers»[1].
Les juges s’attardent donc sur les modalités d’exercice de l’activité concernée. Ainsi, le seul fait qu’elle ne soit pas exercée à titre personnel et indépendant suffit à l’écarter des procédures collectives relatives aux entreprises. La circonstance qu’une importante partie de son passif provienne de cette activité professionnelle libérale ne constitue pas pour la Cour de cassation, un obstacle à l’application de la procédure de surendettement des particuliers.
Cette dualité de régime a engendré d’autres réflexions sur leur application à d’autres associés de sociétés civiles, mais la Cour de cassation a réaffirmé sa précédente jurisprudence.
Notamment, dans son arrêt du 16 décembre 2021, objet de cet article.
II – A l’origine de ce contentieux, une SCI est liquidée après avoir subi la mise en place de procédures collectives. La clôture de la liquidation révèle une insuffisance d’actifs.
Certaines dettes demeurantes impayées (prêt bancaire, impayés de TVA, Impôt sur les sociétés, CFE…), les créanciers ont formé recours contre la décision de la Commission de Surendettement ayant déclaré le débiteur recevable de sa demande tendant au traitement de sa situation financière.
Amené à statuer sur l’application de l’un des deux régimes de traitement des difficultés financières à cet associé de SCI, le juge a considéré que, comme les créances relevaient principalement de l’activité professionnelle que le débiteur exerçait par l’intermédiaire de la SCI, ce dernier devait relever des dispositions relatives aux procédures collectives.
Or, que nenni.
La Cour de cassation casse la décision, réaffirmant une nouvelle fois sa position en la matière, considérant que :
« 5. En statuant ainsi, alors que la seule qualité d’associé d’une société civile immobilière ne suffit pas à faire relever la personne concernée du régime des procédures collectives et à l’exclure du champ d’application des dispositions du code de la consommation relatives au surendettement des particuliers (…) »
Cet arrêt apporte une clarification supplémentaire du droit prétorien quant à la ligne de partage entre ces deux régimes, qui s’inscrit dans le prolongement de l’arrêt précité (Cf. I). La seule qualité d’associé d’une société civile ne suffit pas à l’exclure du champ d’application des dispositions relatives au surendettement des particuliers prévues par le Code de la Consommation, et ce, semble-t-il, peu importe la société civile visée.
III – C’est ce que la Cour de cassation a encore affirmé dans un arrêt daté du même jour, puisqu’une solution identique est consacrée cette fois par la 2ème Chambre civile de la Cour de cassation (N°20.18.344) s’agissant d’un Groupement Agricole d’Exploitation en Commun (GAEC).
Là encore, la qualité d’associé d’un GAEC ne suffit pas non plus à faire relever la personne concernée du régime des procédures collectives, au détriment de l’application des dispositions relatives au surendettement des particuliers. Elle ne pourrait bénéficier d’une telle procédure collective « que si elle exerce individuellement une activité agricole distincte de l’exploitation du groupement », ce qui n’était manifestement pas le cas.
[1] Cour de cassation, 2ème chambre civile, 1er juin 2017, n° 16-17.077