La situation des autres sociétés du groupe peut être analysée par le Tribunal pour apprécier la faisabilité d’un plan de redressement

Etienne CHARBONNEL
Etienne CHARBONNEL - Avocat associé

Source : cinq arrêts du 19 décembre 2018 dont le pourvoi n° 17-27.947 FS-P+B+I

 

L’arrêt, ou plus précisément la série d’arrêts que vient de rendre la Cour de Cassation propose une approche extrêmement pragmatique afin de favoriser une issue cohérente aux procédures frappant des sociétés appartenant à un même groupe.

 

En l’occurrence, s’il s’agit d’un arrêt de rejet, sa rédaction ouvre grand la porte d’une analyse, par le Tribunal, du projet présenté par le groupe dans son ensemble, au-delà de l’approche individualisée, réduite à une vision société par société.

 

En l’espèce, la situation était la suivante : toutes les sociétés d’un même groupe sont placées en redressement judiciaire.

 

Dans le cadre des procédures, la société mère finit par bénéficier d’un plan de redressement par voie de continuation, alors qu’au moins une des SCI du groupe est quant à elle placée en liquidation judiciaire.

 

L’arrêt ayant les honneurs de la publication par la Cour de Cassation, porte sur le sort de cette SCI qui estime subir un préjudice du fait de cette conversion en liquidation judiciaire.

 

Le pourvoi reproche au Juge du fond d’avoir éluder l’approche globale du projet présenté par le groupe de sociétés, et d’avoir ainsi apprécié les chances de redressement de la seule société, au regard de ses seules capacités, sans tenir compte de celles du groupe.

 

Elle soutient ainsi que lorsque les sociétés d’un même groupe font l’objet d’une procédure simultanée, les chances de redressement de chacune d’elle doivent être appréciées, bien sûr en tenant compte des capacités propres de chacune, mais aussi et surtout des chances de redressement du groupe dans son ensemble.

 

En l’occurrence, une telle argumentation avait déjà fait l’objet d’un arrêt de la Cour de Cassation[1] qui avait précisément posé la solution contraire, en jugeant que les chances de redressement d’une société devaient s’apprécier au regard de ses propres capacités, et non celles du groupe, en l’absence d’engagements de la société mère, ou d’une société sœur, en sa faveur.

 

Dans le cas traité par la Cour de Cassation, force est de constater qu’un tel engagement n’était pas évoqué.

 

C’est ainsi, finalement dans la droite ligne de sa jurisprudence précédente, que la Cour de Cassation rejette le pourvoi.

 

Pour autant, la formulation de la Cour est, pour le moins, intéressante : la Cour estime en effet que rien n’interdit au Tribunal, lors de l’examen de la solution proposée pour chacune des sociétés du groupe, de tenir compte, par une approche globale, de la cohérence du projet au regard des solutions envisagées pour les autres sociétés du groupe.

 

A l’évidence, il s’agit de consacrer une approche très pragmatique des procédures collectives au sein d’un groupe de sociétés, en consacrant une approche globale de la cohérence du projet du groupe, qui n’est ainsi plus réduit à l’expression individuelle de chaque projet individuel de chaque société prise individuellement.

 

Le professeur Philippe Roussel Galle commentant cette décision, met vraisemblablement le doigt sur le cœur de la décision : « la Cour de Cassation ne juge pas qu’une approche globale doit être retenue mais seulement qu’elle peut être retenue ».

 

Ce qui revient à laisser toute latitude au Tribunal de Commerce pour apprécier les procédures in concreto la solution globale, au cas par cas.

 

Cette appréciation globale de la solution en fin de procédure collective doit être nettement distinguée de l’appréciation individuelle des conditions d’ouverture de chaque procédure collective.

 

La Cour de Cassation prend là encore le soin de préciser que les conditions d’ouverture obéissent au principe de l’autonomie de la personne morale, devant conduire à une approche individuelle et séparée pour chacune des sociétés du groupe.

 

La solution est donc, juridiquement, relativement limitée, mais son intérêt réside dans la bénédiction donnée aux Juges du fond pour apprécier et donner leurs chances aux projets plus globaux.

 

Le juriste ne s’attardera pas plus que ça sur cette décision, mais le praticien la saluera.

 

[1] CASS. COM 19 novembre 2015 pourvoi n° 14-19-504

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