SOURCE : Cass Com., 6 décembre 2016, n°15-19048 Showroomprive.com / Vente-privee.com
Selon l’article L. 711-2 du Code de la propriété intellectuelle, sont refusés à l’enregistrement ou susceptibles d’être déclarés nuls s’ils sont enregistrés les signes qui ne peuvent constituer une marque et les signes qui sont dépourvus de caractère distinctif. Toutefois, une marque n’est pas refusée à l’enregistrement ou, si elle est enregistrée, n’est pas susceptible d’être déclarée nulle pour absence de caractère distinctif si, avant la date d’enregistrement et après l’usage qui en a été fait, elle a acquis un caractère distinctif.
La société Vente-privee.com, qui organise des ventes sur son site internet accessible par le nom de domaine « vente-privee.com », est titulaire d’une marque semi-figurative « vente-privee » et de trois marques semi-figuratives « vente-privee.com » enregistrées en 2004 et 2005, ainsi que de la marque verbale « vente-privee.com » enregistrée le 16 janvier 2009.
La société Showroomprive.com, qui a la même activité et est titulaire de marques comprenant le signe « showroomprive.com », a assignée en nullité la société Vente-privee.com, pour défaut de caractère distinctif et pour dépôt frauduleux de la marque verbale « vente-privee.com » pour les services de la classe 35.
La société Showroomprive.com a formé un pourvoi à l’encontre de l’arrêt rendu le 31 mars 2015 par la Cour d’appel de Paris, l’ayant débouté de sa demande d’annulation de la marque de sa concurrente pour défaut de caractère distinctif, dès lors que la marque verbale « vente-privee.com » avait été considérée comme ayant acquis un caractère distinctif par l’usage qui en avait été fait postérieurement à son enregistrement.
La Cour d’appel de Paris avait ainsi procédé à une interprétation de l’article L. 711-2 du code de la propriété intellectuelle à la lumière de l’article 3 § 3 de la directive sur les marques, pour retenir qu’il fallait tenir compte, pour apprécier la validité d’une marque dépourvue de caractère distinctif intrinsèque, de l’usage postérieur à l’enregistrement.
La Cour de cassation valide cette interprétation, en précisant qu’en indiquant au dernier alinéa de l’article L. 711-2 du code de la propriété intellectuelle, que le caractère distinctif d’un signe de nature à constituer une marque « peut, sauf dans le cas prévu au c, être acquis par l’usage », la France a usé de la faculté laissée aux Etats membres par l’article 3, § 3 dernière phrase, de la directive 2008/95/CE du 22 octobre 2008 rapprochant les législations des Etats membres sur les marques, de ne pas déclarer nulle une marque enregistrée lorsque le caractère distinctif a été acquis après son enregistrement.
Au regard des faits, la Cour de cassation considère que la Cour d’appel a justement retenu que la société Vente-privee.com justifiait d’un usage du signe litigieux à titre de marque, de la façon suivante :
– par l’apposition de la mention « prix vente-privee.com » à côté de chacun des millions de produits proposés à la vente sur son site internet ;
– par l’utilisation du signe dans les courriers électroniques d’invitation adressés quotidiennement à ses vingt millions de membres, ainsi que dans les publicités diffusées dans les médias ;
– par l’usage, dès avant leur enregistrement, des marques complexes « vente-privee.com », dont le signe litigieux constitue le seul élément verbal et principal dans la mesure où les éléments graphiques de couleur rose, bien que contribuant au caractère distinctif de ces marques, n’assurent qu’une fonction décorative que le public pertinent ne gardera pas nécessairement en mémoire ;
– enfin, selon un sondage de juillet 2011, la marque de la société Vente-privee.com figure parmi « les marques préférées des français ».
De ces constatations et appréciations, la Haute juridiction estime que la marque verbale « vente-privee.com » avait effectivement acquis par l’usage un caractère distinctif au regard des services de promotion des ventes pour le compte des tiers et de présentation de produits sur tout moyen de communication pour la vente au détail, ainsi que des services de regroupement pour le compte de tiers de produits et de services, notamment sur un site web marchand, désignés à son enregistrement.
Virginie PERDRIEUX
Vivaldi-Avocats