SOURCE : Décision n° 2017-660 QPC du 6 octobre 2017, Soparfi
La fin de la contribution de 3% sur les revenus distribués n’a pas été une surprise compte tenu des décisions précédentes intervenues en la matière.
I-
Dès son entrée en vigueur en août 2012, beaucoup se sont questionnés sur la conformité d’une telle taxe avec le droit européen, et notamment avec la directive « mère-fille ».
En 2015, la Commission européenne a engagé une procédure en manquement contre la France au motif que la contribution était contraire à la liberté d’établissement et à la directive « mère-fille »[1].
C’est ensuite le Conseil Constitutionnel qui a censuré le régime d’exonération applicable aux distributions réalisées entre sociétés membres d’un groupe fiscalement intégré aux motifs que ces dispositions instituaient une différence de traitement non justifiée entre les sociétés d’un même groupe qui réalisent, en son sein, des distributions selon que ce groupe relève ou non du régime de l’intégration fiscale[2].
Enfin, la CJUE saisie par une question préjudicielle a jugé le 17 mai 2017[3] que la contribution de 3% sur les revenus distribués méconnaissait la directive « mère-fille » en ce qu’elle conduisait à taxer au moins une seconde fois les dividendes reçus de filiales établies dans d’autres Etats membres de l’UE.
La décision de la CJUE interdisait donc le prélèvement de la contribution de 3 % lors de la redistribution des bénéfices réalisés par des filiales situées dans un Etat membre de l’UE mais n’interdisait pas l’imposition des redistributions de bénéfices réalisés par des filiales résidentes en France.
Il résultait de cette décision une discrimination à rebours interdite en France depuis la jurisprudence Metro Holding[4].
II-
C’est de cet argument que s’est emparée la Société de participation financière afin de contester la constitutionnalité du dispositif.
En effet, la société requérante reproche au premier alinéa du paragraphe I de l’article 235 ter ZCA du Code général des impôts d’instituer une différence de traitement injustifiée entre les redistributions de dividendes provenant de filiales selon que ces dernières sont établies dans un Etat membre de l’UE ou qu’elles sont établies en France ou dans un Etat tiers. Si les premières sont exonérées de contribution (depuis la décision rendue par la CJUE le 17 mai 2017), les secondes y demeurent soumises.
Cette différence de traitement existe également entre les sociétés redistribuant des dividendes reçues de leurs filiales établies dans des Etats membres de l’UE et celles distribuant des dividendes prélevés sur leur propre profit d’exploitation.
Il s’agissait alors pour le Conseil constitutionnel d’appliquer la jurisprudence établie dans sa décision du 9 avril 1996[5], dans laquelle il juge que
« le principe d’égalité ne s’oppose ni à ce que le législateur règle de façon différente des situations différentes ni à ce qu’il déroge à l’égalité pour des raisons d’intérêt général pourvu que, dans l’un et l’autre cas, la différence de traitement qui en résulte soit en rapport direct avec l’objet de la loi qui l’établit »
En l’espèce, le Conseil Constitutionnel relève que
« les sociétés se trouvent dans la même situation au regard de l’objet de la contribution, qui consiste à imposer tous les montants distribués, indépendamment de leur localisation d’origine et y compris ceux relevant du régime mère-fille issu du droit de l’Union Européenne »[6].
Les sociétés n’étant pas dans des situations différentes, seul l’intérêt général pouvait justifier une différence de traitement. Or, celui-ci n’est pas caractérisé. Le Conseil rappelle que la création de la contribution avait pour objectif de compenser une perte de recettes provoquée par la suppression de la retenue à la source sur les OPCVM.
« Il [le législateur] a ainsi poursuivi un objectif de rendement. Un tel objectif ne constitue pas, en lui-même, une raison d’intérêt général de nature à justifier la différence de traitement instituée […] »[7].
Cette décision peut être rapprochée de la décision Metro Holding laquelle a fait naître un nouveau principe selon lequel l’Etat doit accorder aux situations nationales le même traitement favorable que celui appliqué aux situations internationales et, notamment, européennes.
III-
Le premier alinéa du paragraphe I de l’article 235 ter ZCA du CGI a donc été jugé contraire à la Constitution. Le Conseil constitutionnel a prononcé une censure dotée des effets les plus étendus puisqu’il a estimé qu’il n’était pas nécessaire de reporter les effets de la décision d’inconstitutionnalité.
En déclarant ces dispositions inconstitutionnelles, le Conseil fait en pratique disparaître la contribution de 3% sur les revenus distribués pour le passé. En effet, même si une partie de l’article 235 ter ZCA du CGI survit, celui-ci étant désormais amputé de son premier alinéa déterminant son champ d’application personnel et matériel, il en devient inapplicable.
Enfin, avec la précision « applicable à toutes les affaires non jugées définitivement », le Conseil Constitutionnel confère à sa décision la portée la plus large possible. En effet, la décision pourra être « invoquée dans toutes les instances contentieuses (réclamation, requête) en cours ou à venir dès lors que les conditions du LPF, notamment celles relatives au délai de réclamation, sont satisfaites »[8].
Clara DUBRULLE
Vivaldi-Avocats
[1] Infraction n° 20134329, Mise en demeure article 258 du TFUE, le 26/02/2015
[2] Conseil constitutionnel, décision n° 2016-571 QPC du 30 septembre 2016, adoptant un raisonnement comparable à celui de la Cour de justice de l’Union européenne dans l’arrêt Steria (CJUE, 2 septembre 2015, affaire C-386/14)
[3] CJUE, 17 mai 2017, affaire C‑365/16
[4] Conseil Constitutionnel, décision n° 2015-520 QPC du 03 février 2016, Société Metro Holding France SA
[5] Conseil constitutionnel, décision n° 96-375 DC du 9 avril 1996
[6] Conseil constitutionnel, décision n° 2017-660 QPC du 6 octobre 2017, considérant n° 7
[7] Conseil constitutionnel, décision n° 2017-660 QPC du 6 octobre 2017, considérant n° 8
[8] Cahiers du Conseil Constitutionnel, const., 19 mai 2017, n° 2017-629 QPC, FB Finances, p. 15