Le délai de prescription de l’action en contestation d’un licenciement court à compter de la notification de celui-ci et non pas à compter de la reconnaissance de l’AT/MP.
SOURCE : Arrêt de la Chambre Sociale de la Cour de Cassation du 06 juillet 2022, n°21-11.916 (FD-rejet).
Une salariée embauchée à compter du 07 juillet 1972 par une société spécialisée dans le commerce de gros de bois et de matériaux de construction, occupant en dernier lieu le poste de responsable de gestion administrative, a adressé par lettre du 28 juillet 2014 à la Caisse Primaire d’Assurance Maladie une déclaration de maladie professionnelle du 15 juillet 2014 pour un syndrome anxiodépressif constaté le 29 avril 2014.
A l’issue de l’unique visite de reprise, le médecin du travail a émis le 04 juin 2014 un avis d’inaptitude à tout poste dans l’entreprise de sorte que la salariée a été licenciée le 06 août 2014 pour inaptitude et impossibilité de reclassement.
Le Comité régional de reconnaissance des maladies professionnelles ayant reconnu le caractère professionnel de la maladie le 13 février 2017, ce n’est que le 09 août 2017 que la salariée a saisi le Conseil des Prud’hommes d’une contestation de la rupture.
Déboutée par les premiers juges qui ont déclaré son action prescrite, cette affaire arrive par-devant la Cour d’Appel de CAEN, laquelle dans un arrêt du 08 octobre 2020 va rendre un arrêt confirmatif rappelant que la rupture d’un contrat de travail se situe à la date où l’employeur a manifesté sa volonté d’y mettre fin, c’est-à-dire au jour de l’envoi de la lettre recommandée avec accusé de réception notifiant le licenciement, soit au cas d’espèce le 06 août 2014 alors que la salariée n’a saisi le Conseil de prud’hommes que le 09 août 2017.
La salariée se prévalait des dispositions de l’article 2233 du Code civil qui dispose que la prescription ne court pas à l’égard d’une créance qui dépend d’une condition jusqu’à ce que la condition arrive, soutenant que les droits qu’elle pouvait prétendre étaient conditionnés par la reconnaissance du caractère professionnel de sa maladie à l’origine de l’inaptitude et que le point de départ de la prescription était le 13 février 2017, date à laquelle le Comité Régional de reconnaissance des maladies professionnelles a reconnu le caractère professionnel de sa maladie.
Cependant, la Cour d’Appel considère que c’est à bon droit que l’employeur oppose à la salariée le principe d’autonomie du droit du travail et du droit de la Sécurité Sociale selon lesquels l’application des dispositions protectrices des victimes d’accident du travail ou de maladies professionnelles n’est pas subordonné à la reconnaissance par la CPAM du lien de causalité entre l’accident de travail et l’inaptitude, de sorte que le salarié est recevable à saisir la juridiction prud’homale en se prévalant de la connaissance par l’employeur d’un lien possible entre son inaptitude et l’environnement professionnel, sans attendre l’issue de la procédure de reconnaissance de maladie professionnelle qui peut être longue avec la saisine du Comité Régional de reconnaissance des maladies professionnelles, d’autant que la juridiction prud’homale n’est pas liée par la décision de la Caisse en particulier par le refus de prise en charge par celle-ci.
Par suite la Cour d’Appel considère que la salariée a saisi tardivement le Conseil de Prud’hommes et que son action est prescrite.
Ensuite de cette décision, la salariée forme un Pourvoi en Cassation.
A l’appui de son Pourvoi, elle prétend que la prescription ne court pas à l’égard d’une créance qui dépend d’une condition jusqu’à ce que la condition arrive et qu’en l’espèce les droits auxquels elle pouvait prétendre étaient conditionnés par la reconnaissance du caractère professionnel de sa maladie de sorte que la prescription n’avait pu courir qu’à compter de la reconnaissance par le Comité Régional de reconnaissance des maladies professionnelles le 13 février 2017.
La Chambre Sociale de la Haute Cour ne va pas suivre la salariée dans son argumentation.
Soulignant que le délai de prescription de l’action en contestation d’un licenciement court à compter de la notification de celui-ci, elle approuve la Cour d’Appel d’avoir rappelé que l’application des dispositions protectrices des victimes d’accident du travail n’était pas subordonnée à la reconnaissance par la CPAM du lien de causalité entre l’accident du travail et l’inaptitude, de sorte que la salariée qui avait adressé une déclaration de maladie professionnel pour un syndrome anxiodépressif le 15 juillet 2014, elle avait connaissance lors de la notification du licenciement pour inaptitude le 06 août 2014 du lien possible entre ce licenciement et sa maladie professionnelle et qu’elle n’avait pas besoin d’attendre l’issue de la procédure instruite par la Caisse Primaire pour saisir la juridiction prud’homale.
La Cour d’Appel en a exactement déduit que l’action de la salariée introduite le 09 août 2017 était prescrite.
Par suite, la Chambre sociale rejette le Pourvoi.