L’Etat n’a pas la qualité de détenteur des déchets sous scellées

Sylvain VERBRUGGHE
Sylvain VERBRUGGHE

 

SOURCE : 3ème civ, 19 janvier 2017, n°15-25230, Publié au Bulletin

 

Le 25 janvier 2007, un avion de ligne Air France ratait son décollage et percutait un camion, tuant le chauffeur sur le coup. L’aéronef était ensuite transporté dans un aérogare et placé sous scellées judiciaires durant l’instruction pénale qui s’ensuivit.

 

Au-delà du dossier pénal, la question du traitement de la carcasse de l’avion, cédé à une société de valorisation d’aéronefs en raison du caractère non réparable de l’appareil, s’est posée. En effet, la société The Green Airliner n’ayant pu obtenir la restitution de l’avion que le 23 février 2009, a poursuivi l’Etat en indemnisation de divers préjudices liés au maintien sous scellées du bien.

 

Plus précisément, The Green Airliner considérait que :

 

l’aéronef était devenu déchet des suites du crash, puisqu’il n’avait plus vocation à circuler mais à être valorisé.

 

Que son détenteur était l’Agent judiciaire de l’Etat, conformément aux dispositions de l’article L541-1-1 du Code de l’environnement (détenteur de déchets : « producteur des déchets ou toute autre personne qui se trouve en possession des déchets »).

 

En cette qualité, l’Agent judiciaire de l’Etat aurait dû procéder à des opérations de valorisation du « déchet » conforme à l’article L541-1 et L541-1-1 du Code de l’environnement

 

Selon The Green Airliner, l’inertie de l’Etat et la tardivement de la restitution l’aéronef, par référence à une autre affaire de restitution de scellées, l’aurait ainsi privée de la possibilité de valoriser convenablement l’appareil.

 

Pour la Cour d’appel de Paris, les autorités en charge du dossier pénal ne sont ni producteurs de déchets, ni détenteurs de ceux-ci au sens du Code de l’environnement lorsqu’ils sont placés sous scellées. L’Etat n’a pas à prendre d’autres mesures que celles découlant du traitement de scellés et il ne peut lui être imputé à faute de ne pas avoir cherché à valoriser l’aéronef en cause, en récupérant ou faisant récupérer les éléments et matériaux utilisables.

 

Les juges parisiens précisent également, en conformité avec la jurisprudence de la Cour de cassation[1], que le propriétaire du site sur lequel était entreposé l’aéronef ne pouvait pas d’avantage être qualifié de détenteur du déchet, puisque l’épave se trouve dans ses locaux sur réquisition judiciaire.

 

Le rappel est conforme à la jurisprudence.

 

La Cour d’appel de PARIS déboute ainsi The Green Airliner de l’ensemble de ses demandes, conduisant la société à se pourvoir en cassation.

 

La Haute juridiction partage l’analyse des premiers juges, et considère que l’Etat ne peut être qualifié de détenteur d’un déchet lorsque ce bien est placé sous main de justice au cours d’une enquête pénale. A contrario, le propriétaire du meuble sous scellées en reste donc le détenteur au sens des dispositions du Code de l’environnement.

 

Cet arrêt n’est pas sans rappeler le sort réservé aux véhicules volés gravement endommagés lors de délits ou crimes. Les épaves en résultant peuvent en effet faire l’objet d’un placement sous main de justice, et les frais de destruction laissés à la charge du propriétaire qui ne peut donc invoquer, à l’encontre de l’Etat, les dispositions du Code de l’environnement.

 

Sylvain VERBRUGGHE

Vivaldi-Avocats 


[1] 3e civ, 11 juillet 2012, n°11-10478. P B + I, et commentaire Vivaldi Avocats : « Le propriétaire du terrain qui n’a pas contribué directement ou indirectement à la production ne peut pas être déclaré responsable d’un déchet ». 

 

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