L’engagement de caution signé par un illettré doit être fait par acte authentique

Geneviève FERRETTI
Geneviève FERRETTI

 

SOURCE : Cass. 1èreCiv ., 9 juillet 2015, n° 14-21.763. Arrêt n° 867 F- P + B

 

C’est encore une contestation fondée sur la mention, objet des dispositions de l’article L.341-2 du Code de la Consommation que vient de trancher la première Chambre Civile de la Cour de Cassation dans son arrêt rendu le 9 juillet 2015 : une personne physique qui n’est pas en mesure de faire précéder sa signature des mentions manuscrites exigées par le Code de la Consommation peut elle se porter caution par acte sous seing privé.

 

En l’espèce, par acte sous seing privé, M.X s’est porté caution personnelle et solidaire d’une société, titulaire d’un compte professionnel au sein d’une banque.

 

Par suite de la défaillance de la société qui a fait l’objet d’une liquidation judiciaire, la banque a assigné la caution.

 

La Cour d’Appel a annulé l’engagement de caution de M.X qui soutenait qu’il n’était pas le scripteur de la mention manuscrite, laquelle a été apposée par le banquier car il ne sait pas écrire et lit difficilement.

 

M.X produit à l’appui de cette affirmation une attestation de son épouse dont le contenu, qui ne s’entend qu’à une lecture à haute voix, énonçait que son mari était incapable de rédiger un paragraphe manuscrit et qu’en aucun cas il ne l’a fait pour se porter caution.

 

De même, un Huissier atteste que dans le cadre de diverses procédures et plus précisément lors de la délivrance d’actes et rédaction d’un engagement de paiement échelonné, il s’est aperçu que M.X présentait d’importantes difficultés pour écrire un texte et que notamment il ne peut former que quelques mots en lettres majuscules ou écriture bâton.

 

Prenant en considération, les éléments sus-énoncés, la Cour d’Appel, après avoir rappelé que les dispositions de l’article L.341-3 du Code de la Consommation ne sauraient avoir pour effet de priver les personnes illettrées d’un accès à la vie des affaires et de leur interdire de se porter caution, énonce que cependant dans cette hypothèse le bénéficiaire du cautionnement doit établir qu’il a informé la caution par tout moyen de la réalité de son engagement dans l’esprit du texte précité.

 

Or, en l’espèce, la Cour d’Appel a considéré que la banque s’est livré à un simulacre en faisant écrire à la première personne du singulier un texte qui ne concernait pas son scripteur.

 

Cet artifice ne démontre nullement que l’information légale a bien été donnée à la caution, et ce quant bien même M.X, la caution aurait occupé d’anciennes fonctions de gérant et serait propriétaire de biens immobiliers au travers d’une SCI.

 

Considérant que la banque n’établissait nullement qu’elle est parvenue à pallier à l’illettrisme de M.X pour lui apporter l’information prescrite par la loi, l’engagement de caution se trouve frappé de nullité.

 

La banque a formé un pourvoi en soutenant que lorsque la caution est illettrée, est licite le procédé consistant pour un tiers à rédiger lui-même la mention manuscrite pour le compte de la caution, puis à recueillir la signature de celle-ci au pied de la mention. En affirmant que « la banque s’est livrée à un simulacre en faisant écrire à la première personne du singulier un texte qui ne concernait pas le scripteur » pour en déduire qu’il n’était pas démontré « que l’information légale a bien été apportée à la caution », la Cour d’Appel a violé l’article L.341-2 du Code de la Consommation.

 

La Cour de Cassation rejette le pourvoi, retenant que la personne physique qui ne se trouve pas en mesure de faire précéder sa signature des mentions manuscrites prévues par les articles L.341-2 et L.341-3 du Code de la Consommation destinées à assurer sa protection et son consentement éclairé, ne peut valablement s’engager que par acte authentique en qualité caution envers un créancier professionnel.

 

Cet arrêt appelle deux observations :

 

       La première est qu’il n’est pas formellement critiquable en ce qu’il applique parfaitement la loi ;

 

       Pour autant, si s’agissant d’un acte soumis à un formalisme particulier pour la validité de l’engagement qu’il stipulait, la preuve doit être rapportée par écrit, l’acte litigieux constitue un commencement de preuve par écrit. Si le juge admet qu’il existe une impossibilité de faire rédiger par la caution l’écrit signé par lui, il se devait de faire ordonner une enquête pour ou faire établir la preuve de l’engagement par témoin, c’est-à-dire la réception par le signataire caution, de toutes les explication inhérentes à l’étendue de son engagement.

 

Geneviève FERRETTI

Vivaldi-Avocats

 

 

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