L’avant-projet de réforme du droit des sûretés : les grandes lignes

Thomas LAILLER
Thomas LAILLER

 

Un triple objectif est visé :

 

Parachever la réforme de 2006 : le cautionnement et les privilèges avaient exclus du périmètre de la réforme ;

 

Ajuster la réforme de 2006 : supprimer par exemple des régimes spéciaux rendus inutiles (warrant hôtelier, warrant industriel, gage commercial, etc.), doter le nantissement de monnaie scripturale d’un véritable régime juridique ;

 

Assurer la cohérence entre la réforme de 2006 et les réformes ultérieures ; avènement de la fiducie en 2007, réforme du gage sur stock en 2016, réforme du droit des contrats en 2016 etc. ;

 

La réforme sera non seulement formelle, pour améliorer l’accessibilité et la lisibilité du droit des sûretés, avec la création d’un nouveau livre du Code civil entièrement dédié aux sûretés réelles et personnelles, mais aussi substantielle, afin de concilier l’efficience économique attendue par le créancier et la protection due au débiteur.

 

Voici l’avant-projet de réforme du droit des sûretés en dix points.

 

1. Dispositions générales

 

a. Définition de la sûreté en général, ainsi que des sûretés réelles et personnelles en particulier.

 

b. Proclamation de trois principes généraux : accessoriété des sûretés ; non-enrichissement du créancier ; liberté de choix du créancier dans le mode et l’ordre de réalisation des sûretés.

 

c. Proclamation de deux principes généraux en matière de sûretés réelles : libre disponibilité du bien grevé et indivisibilité quant à l’assiette et à la créance garantie.

 

2. Réforme du cautionnement

 

a. Unification, et intégration au code civil, du régime de la mention manuscrite et de la proportionnalité en étendant à toute personne physique, quelle que soit la qualité du créancier, la protection qui en résulte.

 

b. Unification, et intégration au code civil, du régime de l’obligation d’information due par le créancier professionnel.

 

c. Rattachement des sûretés réelles pour autrui à la figure du cautionnement (réel).

 

d. Clarification du régime des exceptions opposables par la caution au créancier.

 

e. Affirmation du caractère civil du cautionnement donné par un non-commerçant.

 

f. Simplification des recours avant paiement ouverts à la caution.

 

g. Encadrement du bénéfice de subrogation.

 

h. Clarification des conséquences de la dissolution de la société créancière, débitrice ou caution.

 

3. Amélioration du régime du gage de meubles corporels

 

a. Reconnaissance de la possibilité de constituer et de maintenir un gage sur des meubles immobilisés par destination (et indication du classement en cas de conflit avec une hypothèque immobilière).

 

b. Affirmation du caractère relatif de la nullité du gage de la chose d’autrui.

 

c. Articulation du régime du gage sans dépossession avec le droit des voies d’exécution afin de sécuriser les ventes sur saisie.

 

d. Détermination des pouvoirs du constituant sur la chose gagée, notamment des conditions dans lesquelles il peut en disposer.

 

e. Réglementation du gage avec entiercement sans déplacement du bien grevé.

 

f. Définition du rang du créancier gagiste

 

4. Amélioration du régime du nantissement de créance

 

a. Harmonisation du régime du nantissement avec le nouveau droit des obligations : preuve de la date de l’acte, opposabilité des exceptions par le débiteur de la créance nantie.

 

b. Détermination du sort des sommes payées par le débiteur de la créance nantie avant l’échéance.

 

c. Affirmation du droit exclusif du créancier nanti sur la créance affectée en garantie.

 

5. Création de nouvelles sûretés mobilières

 

a. Consécration du nantissement de monnaie scripturale visant à donner un véritable statut aux sûretés sur sommes d’argent immobilisées sur un compte bloqué au nom du constituant.

 

b. Consécration de la cession de créance à titre de garantie qui, inspirée du nouveau régime de la cession de créance de droit commun, offrirait aux opérateurs – français et étrangers – un instrument très souple et connu du monde entier pour constituer des sûretés sur créances.

 

6. Suppression de sûretés mobilières spéciales tombées en désuétude

 

a. Suppression du gage commercial à la faveur d’une adaptation du gage de droit commun.

 

b. Suppression du privilège de l’hôtelier.

 

c. Suppression des warrants des stocks de guerre et du warrant industriel.

 

d. Abrogation des dispositions spécifiques au gage automobile dont l’unique particularité (tenant à l’inscription en préfecture) est intégrée au sein du régime du gage de droit commun.

 

7. Amélioration du régime des sûretés-propriétés

 

a. Affirmation du caractère systématiquement accessoire de la réserve de propriété qui prend fin en cas d’extinction de la créance, quelle qu’en soit la cause.

 

b. Détermination du régime des exceptions opposables par le sous-acquéreur en cas de report de la réserve de propriété sur la créance du prix de revente.

 

c. Assouplissement de la fiducie-sûreté par la triple dispense : d’avoir à évaluer le bien lors de la constitution de la sûreté, d’avoir à constater dans un écrit enregistré la transmission des droits résultant du contrat de fiducie à un nouveau bénéficiaire et d’avoir à recourir systématiquement à un expert lors du dénouement de la sûreté.

 

8. Amélioration du régime de la publicité des sûretés mobilières, par la centralisation de l’inscription de toutes les sûretés mobilières spéciales sur le registre créé par le décret n° 2006-1804 du 23 décembre 2006.

 

9. Amélioration du régime des sûretés réelles immobilières

 

a. Remplacement des actuels privilèges immobiliers spéciaux soumis à publicité par des hypothèques légales.

 

b. Rétablissement d’une hypothèque rechargeable ouverte à tous, mais extension à toutes les hypothèques légales de la protection actuellement offerte aux seuls créanciers publics contre un rechargement.

 

c. Élargissement des dérogations à la prohibition de l’hypothèque de biens à venir.

 

d. Affirmation du maintien de la couverture hypothécaire de la créance transmise par subrogation, non seulement pour le principal et les nouveaux intérêts, mais aussi pour tous les autres accessoires.

 

10. Amélioration du régime des modes de réalisation des sûretés

 

a. Affirmation de l’obligation de procéder à une expertise, y compris en cas d’attribution judiciaire, lorsque la propriété du bien affecté en garantie est acquise en paiement.

 

b. Affirmation de la possibilité de demander l’attribution judiciaire et de se prévaloir du pacte commissoire en cas de liquidation judiciaire.

 

Le projet de loi relatif à la croissance et à la transformation des entreprises (PACTE), adopté en Conseil des ministres le 18 juin, a été déposé le 19 juin 2018 à l’Assemblée Nationale, avec l’engagement d’une procédure accélérée. Il devrait contenir une habilitation donnée au Gouvernement pour réformer le droit des sûretés par voie d’ordonnance. Réforme à suivre.

 

Thomas LAILLER

Vivaldi-Avocats

 

 

Partager cet article
Vivaldi Avocats