SOURCE : Cass. 2e Civ ., 17 mars 2016, n° 14-24.986. Arrêt n° 390 P + B + I
Cette problématique a été soumise, à la 2ème Chambre Civile de la Cour de Cassation, quant à la suspension du délai de prescription, dans l’hypothèse d’un recours formé par le créancier contre la décision par laquelle une commission de surendettement déclare recevable un débiteur en sa demande de traitement de sa situation financière.
Pour la Haute Cour, ce recours ne constitue pas, au regard de son objet, une demande en justice de nature à interrompre le délai de prescription au visa des dispositions de l’article 2241 du Code Civil[1] .
En l’espèce, une banque a consenti à des époux 3 prêts pour lesquels une société se porte caution.
L’époux forme une demande de traitement de sa situation financière, auprès d’une commission de surendettement et un plan conventionnel est alors conclu prévoyant à compter du mois d’août 2007 un moratoire de six mois portant notamment sur les créances de la banque et de la société caution.
L’époux a, de nouveau saisi en mars 2008, une commission de surendettement d’une demande de traitement de sa situation, en déclarant au titre du passif exigible, ses dettes à l’égard de la banque et de la société caution.
La commission ayant déclaré cette demande recevable, la banque a formé un recours contre cette décision et par une ordonnance du 15 décembre 2009, le juge de l’exécution a clôturé la procédure de traitement du surendettement en constatant que l’époux avait finalement refusé d’en bénéficier.
La banque et la société caution ont alors assigné les époux en remboursement, mais ces derniers ont soulevé une fin de non-recevoir tirée de la prescription de l’action en paiement.
La Cour d’Appel de DOUAI dans son arrêt a déclaré l’action de la banque et de la société caution prescrite et a rejeté leur demande de dommages-intérêts.
Pour asseoir sa décision, les juges du fond ont rappelé les dispositions de l’article L.137-2 du Code de la Consommation qui dispose que l’action des professionnels, pour les biens ou les services qu’ils fournissent aux consommateurs, se prescrit par deux ans.
Ils rappellent également les dispositions des articles 2240 du Code Civil qui dispose que la reconnaissance par le débiteur du droit de celui contre lequel il prescrit interrompt le délai de prescription, l’acte interruptif résultant de cette reconnaissance par le débiteur du droit du créancier faisant courir, à compter de sa date, un nouveau délai de prescription.
En outre, de la combinaison des articles 2241, 2242 et 2243 du même code, la demande en justice, même en référé, interrompt le délai de prescription ainsi que le délai de forclusion jusqu’à l’extinction de l’instance, cette interruption étant toutefois regardée comme non avenue si le demandeur se désiste de sa demande ou laisse périmer l’instance, ou si sa demande est définitivement rejetée.
En l’espèce, les juges du fond ont relevé :
– Que l’époux en sollicitant en juillet 2007, la plan conventionnel par lequel sa dette a été réaménagée, il a reconnu les créances de la banque en exécution des 3 prêts, de sorte que le délai de prescription a été interrompu en application de l’article 2240 du Code Civil ;
– Que la nouvelle saisine de l’époux de la commission de surendettement a également valu reconnaissance des dettes de sorte que le délai de prescription a de nouveau été interrompu ;
Cependant et pour rejeter la demande de la banque, la Cour d’Appel a considéré que le recours dirigé par la banque contre la décision rendue par la Commission de surendettement (2ème saisine de l’époux) qui avait déclaré la demande de l’époux recevable, est distinct par son objet et sa cause d’une action en paiement, et qu’il n’a pas eu pour effet d’interrompre le cours de la prescription des créances de la banque, en application de l’article 2241 du Code Civil.
Sur le pourvoi formé par la banque, la Cour de Cassation approuve les juges du fond.
Selon la Haute Cour, le délai de prescription n’est pas suspendu pendant l’examen, par la Commission de surendettement ou le juge du tribunal d’instance, de la recevabilité de la demande formée par le débiteur.
Le recours formé par un créancier contre la décision par laquelle une commission de surendettement déclare un débiteur recevable en sa demande de traitement de sa situation financière ne constitue pas, au regard de son objet, une demande en justice de nature à interrompre le délai de prescription en application de l’article 2241 du Code Civil.
La Cour de Cassation de conclure que c’est donc à bon droit que la cour d’appel a retenu que la mise en œuvre du recours formé par la banque contre la décision de recevabilité prise par la commission n’avait pas eu pour effet d’interrompre le cours de la prescription des créances.[2]
Geneviève FERRETTI
Vivaldi-Avocats
[1] Article 2241 du Code Civil : » La demande en justice, même en référé, interrompt le délai de prescription ainsi que le délai de forclusion. Il en est de même lorsqu’elle est portée devant une juridiction incompétente ou lorsque l’acte de saisine de la juridiction est annulé par l’effet d’un vice de procédure. »
[2][2] NB : Il faut observer que dans cette affaire entre la date de la saisine de la commission et la date de l’ordonnance du juge de l’exécution est intervenue la loi n°2008-561 du 17 juin 2008 portant réforme de la prescription en matière civile. La durée de prescription est passée de 10 à 2 ans.