Fixation de la rémunération du gérant de SARL

Christine MARTIN
Christine MARTIN - Avocat associée

SOURCE : Arrêt de la Chambre Sociale de la Cour de Cassation du 18 décembre 2019, n° 18-13.850 F-D (rejet)

 

3 frères avaient constitué un GAEC ainsi qu’une SARL, la SARL commercialisant le vin produit par le GAEC, ces deux structures fonctionnant de manière équilibrée chacun des frères étant placés dans une situation égalitaire de cogérance et de répartition des résultats par tiers égaux.

 

A la suite d’un litige avec ses deux frères, l’un des associés, après avoir provoqué la dissolution du GAEC, s’est vu retiré la cogérance de la SARL de même qu’il a fait l’objet d’un licenciement.

 

Considérant qu’après son licenciement ses frères se sont alloués des rémunérations excessives pillant la trésorerie de la SARL, il a diligenté une expertise de gestion, l’expert concluant à une atteinte portée à l’affectio societatis incontestable et a constaté que l’éviction du frère avait été volontairement organisée et que ses autres deux frères avaient en conséquence décidé à leur seul profit de rémunérations manifestement disproportionnées et sans aucune justification au regard de l’activité, ce qui a eu pour conséquence d’assécher la trésorerie.

 

Sur la foi du rapport d’expert, le frère évincé va assigner ses deux autres frères estimant qu’ils avaient commis une faute de gestion en s’allouant des rémunérations excessives et en demandant leur condamnation solidaire à lui payer des sommes en réparation du préjudice subi.

 

Si sa demande va être entendue par les premiers juges, toutefois la Cour d’Appel de Dijon dans un arrêt du 11 janvier 2018 va le débouter de ses demandes, tirées d’une violation des statuts de la société en ce que la rémunération allouée au gérant avait été approuvée en fin d’exercice alors que les statuts prévoyaient une fixation à priori de cette rémunération.

 

Or soulignant que l’article 18 des statuts de la SARL prévoyait au titre de la rémunération des gérants, que ceux-ci pouvaient recevoir un traitement annuel fixe ou proportionnel dont la quotité et le mode de paiement sont déterminés par décision ordinaire des associés ou par décision de l’associé unique, la Cour va considérer qu’en l’absence de précision sur ce point les statuts permettaient que la rémunération soit fixée soit à priori soit à postériori, soulignant en outre que la décision sur la rémunération du gérant était toujours intervenue à l’issue de l’exercice comptable auquel elle correspondait sans avoir fait la moindre contestation jusqu’au litige.

 

En suite de cette décision, le frère évincé forme un pourvoi en cassation.

 

A l’appui de son pourvoi, il reproche à l’arrêt d’appel d’avoir rejeté sa demande tirée d’une violation des statuts de la SARL et de faute de gestion prétendant qu’aucune rémunération ne peut être versée antérieurement à la décision collective la fixant et que la fixation de cette rémunération ne peut faire l’objet d’une ratification à postériori.

 

Mais la Chambre Commerciale de la Haute Cour ne va pas suivre le frère dans son argumentation.

 

Soulignant qu’après avoir relevé qu’aux termes de l’article 8 des statuts de la SARL, les gérants peuvent recevoir un traitement annuel fixe ou proportionnel dont la quotité et le mode de paiement seront déterminés par décision ordinaire des associés ou par l’associé unique, l’arrêt d’appel retient qu’en l’absence de précision de cet article sur la question de savoir si la décision de verser une rémunération au gérant devait intervenir pour l’exercice comptable futur ou pour celui qui se terminait, les statuts permettaient qu’elle ait lieu soit à priori soit à postériori, d’autant qu’elle soulignait que la décision des associés sur la rémunération du gérant était toujours intervenue à l’issue de l’exercice comptable auquel elle correspondait, bien qu’il ne soit pas contesté que les convocations adressées en vue des assemblées générales ne mentionnaient pas qu’il serait décidé de la rémunération du gérant, de sorte que la Cour d’Appel a pu considérer que les frères mis en cause n’avaient ni violé les statuts ni violé les dispositions de l’article L223-18 du Code du commerce.

 

Par suite, la Haute Cour rejette le pourvoi.

Print Friendly, PDF & Email
Partager cet article