Exonération des revenus de propriété intellectuelle au Luxembourg (Patent Box)
I – IP BOX I
La première version de l’IP BOX permettait, en substance et sous certaines conditions, de bénéficier d’une exonération d’impôt jusqu’à 80 % sur les revenus tirés de l’exploitation d’un brevet, d’une marque, d’un dessin et modèle, d’un logiciel ou d’un nom de domaine, par une structure imposée au LUXEMBOURG.
Peu contraignant au niveau des revenus éligibles à l’exonération d’impôt, le Luxembourg a, à l’instar de l’Irlande, la Belgique, les Pays-Bas, la Hongrie et Chypre, été accusé de dumping fiscal à l’origine d’un transfert des revenus au préjudice des autres états membres (notamment sur son territoire).
C’est ainsi que le régime prévu par l’article 50 bis de la L.I.R.[1] a, par une loi de juillet 2016, été progressivement abrogée avec la fin de ses effets au 30 juin 2021, pour laisser place au nouveau système (§III).
II – UN NOUVEAU CADRE LEGISLATIF DIRECTEMENT RATTACHABLE AU PLAN D’ACTION BEPS 2015
A la suite de la parution du rapport intitulé « lutter contre l’érosion de la base d’imposition et le transfert de bénéfices », les pays de l’OCDE et du G20 ont adopté en septembre 2013, un plan d’actions en quinze points visant à combattre ces pratiques.
Les quinze actions à mener s’articulent autour de trois principaux piliers :
Harmoniser les règles nationales qui influent sur les activités transnationales ;
Renforcer les exigences de substance dans les standards internationaux existants ;
et améliorer la transparence, ainsi que la certitude.
C’est ainsi que les pays de l’OCDE et du G20 ont œuvré, en partenariat avec la Commission Européenne à élaborer le projet BEPS[2], autrement appelé projet OCDE / G20 sur l’érosion de la vase d’imposition et de transfert de bénéfices.
En 2015, quinze rapports prévus par le plan d’actions ont été établis. Parmi ces plans, le numéro 1 intitulé « relever les défis fiscaux posés par l’économie numérique 2015, rapport final » a servi de base à une harmonisation de la fiscalité numérique qui a, évidemment, touché les pays de l’union européenne, dont la Belgique et le Luxembourg.
Ainsi :
Les Pays-Bas ont adopté une nouvelle législation issue des plans d’actions BEPS en janvier 2017 ;
Et l’Irlande en avril 2017 ;
Le Luxembourg a modifié l’article 50 bis de la L.I.R., un peu après, tout en sachant que son dispositif favorable, avait, quant à lui, été, pour grande partie, neutralisé avec l’abrogation du texte en juillet 2016.
Deux axes majeurs de réflexions peuvent illustrer les rapports finaux du BEPS :
L’état conserve ses prérogatives régaliennes en ce qui concerne la fiscalité nationale ;
Mais les parties ayant collaboré aux travaux s’engagent, tout en maintenant les avantages fiscaux liés au développement de l’innovation, à faire en sorte que ceux-ci soient en lien étroit avec l’innovation.
Au plan national Luxembourgeois, l’innovation ou la notion de « recherche et développement » est définie à l’article 1er n°27 de la loi du 17 mai 2017, relative à la promotion de la recherche du développement et de l’innovation et doit avoir, pour objet principal, d’acquérir de nouvelles connaissances et de développer de nouvelles applications à partir de connaissances disponibles. Elle se caractérise par le fait qu’elle est entreprise de manière systématique, c’est-à-dire sur la base d’un plan structuré qui permet de définir son but et de lui allouer des ressources humaines et financières nécessaires. D’une manière générale, l’activité de recherche et de développement vise à résoudre une incertitude scientifique et/ou technologique.
Autrement dit, en l’absence de démonstration de travaux innovants, la fiscalité privilégiée, quel que soit l’état, n’a pas vocation à s’appliquer.
III – LE REGIME FISCAL LUXEMBOURGEOIS
III – 1. Les textes
Trois documents sont susceptibles d’intéresser les lecteurs :
L’article 50 ter L.I.R., issu de la loi n°254 du 19 avril 2018 ;
Le formulaire, modèle 764 relatif à l’exonération partielle, en vertu du même texte, qui doit être transmis pour bénéficier du régime de faveur ;
La circulaire du directeur des contributions L.I.R. n°50 ter/1du 28 janvier 2019 sur le régime fiscal de la propriété intellectuelle (régime de faveur).
III – 2. Le principe
Le champ d’application d’IP BOX II s’applique uniquement dans les cas suivants :
Brevet / certificat complémentaire de protection (protégé par un brevet), médicaments orphelins ;
Droit d’auteur sur un logiciel informatique ;
Certification d’obtention végétale (objet d’une demande d’obtention végétale).
Sont ainsi désormais exclus du régime de faveur, les marques, dessins, modèles intégrés dans le périmètre de l’IP BOX.
L’exonération de 80 % des recettes est maintenue, mais s’applique sur la formule suivante :
Le système de calcul a évidemment gagné en complexité mais, synthétiquement, les paramètres peuvent être définis comme suit :
Revenus éligibles :
Revenus de licence ;
Revenus de licence incorporé dans le prix de vente d’un produit ou d’un service ;
Revenus de cession de l’actif exigible ;
Indemnités obtenues dans le cadre d’une procédure judiciaire ou d’un arbitrage portant sur un actif éligible (contrefaçon).
Dépenses éligibles :
Ensemble des dépenses nécessaires au développement en rapport direct avec la constitution, le développement ou l’amélioration de l’actif éligible ;
Sans possibilité de prendre en compte :
Les dépenses intragroupes ;
Les coûts d’acquisition de l’actif ;
Les intérêts et frais de financement du développement de l’actif ;
Les coûts immobiliers ;
Les coûts indirects liés au développement de l’actif
Dépenses totales :
Les dépenses éligibles ;
Les coûts d’acquisition des actifs ;
Les dépenses nécessaires aux activités de recherche et développement en rapport direct avec la constitution, le développement et l’amélioration de l’actif éligible ;
Les dépenses intragroupes ;
Les intérêts et frais de financement des actifs éligibles ;
Le coût de l’immobilier.
L’objectif premier du nouveau texte est d’évacuer les risques de transfert de bénéfice d’un état sur l’autre, notamment en réintroduisant, au dénominateur, les frais financiers / les transferts et les opérations intragroupes (sauf exception assortie d’une licence) de sorte que plus le numérateur est élevé (dépenses éligibles) plus le contribuable va pouvoir atteindre le seuil maximum de l’exonération partielle de 80 % des recettes tirées de l’exploitation des actifs éligibles.
III – 3. Objectif du nouveau texte
L’objectif du nouveau texte est de stimuler les activités de recherche et de développement puisque le montant de l’avantage fiscal dépend de son importance.
Ainsi, les structures Luxembourgeoises qui se contentent de détenir des portefeuilles de brevets ou de logiciels, sans poursuivre d’efforts de développement réel[3], sont exclues du régime. Les activités de recherche et de développement doivent être réalisées par le contribuable lui-même au Luxembourg ou sous certaines conditions au sein d’un établissement stable européen dont il contrôle et assume les risques. Concrètement, il faut désormais justifier auprès de l’Administration Fiscale les dépenses directement exposées pour la constitution et l’amélioration de l’innovation ou du brevet, d’où le recours au formulaire modèle 760 d’exonération partielle en vertu de l’article 50 ter L.I.R. C’est un régime donc assurément plus complexe que l’ancien et probablement moins adapté aux PME.
III – 4. Les faiblesses du système
Elles se retrouvent au Luxembourg comme par ailleurs dans tous les états qui ont modifié leur organisation pour tenir compte des plans d’actions BEPS. Dans tous les cas, le régime de faveur ne peut pas qualifier d’aide à l’innovation puisque, in fine, les recettes éligibles s’inscrivent nécessairement dans un actif qui fait l’objet d’un dépôt, que ce soit un brevet, un certificat d’obtention végétale ou même un logiciel (droit d’auteur).
Le système conduisant à un lissage des recettes et des dépenses sur les trois derniers exercices comprend immédiatement que les développements, en tout cas les développements avant dépôt, s’inscrivent dans un circuit court (deux ans), pour les développements plus longs, d’autres aides de mécanismes étatiques doivent être recherchées et notamment ceux issus de la loi du 17 mai 2017[4].
IV – CE QU’IL FAUT RETENIR
La volonté de l’OCDE / G20 / UNION EUROPEENNE d’harmoniser, dans un cadre relativement étroit, le dispositif fiscal d’aide à l’innovation, a supprimé la compétition entre états, en tout cas sur le plan fiscal.
En définitive, c’est la qualité des infrastructures techniques de la France, de la Belgique ou du Luxembourg qui aura un rôle crucial dans le choix d’un investisseur.
[1] Issue de la loi du 1er janvier 2008
[2] Base Erosion and Profit Shifting (BEPS) (rien à voir avec le brevet européen des premiers secours)
[3] Autrement appelés les Patent Trolls
[4] Loi modifiée du 17mai 2017 relative à la promotion de la recherche du développement et de l’innovation