Faciliter la tâche du médiateur de la République : une nouvelle obligation à la charge de l’administration ?

Stéphanie TRAN
Stéphanie TRAN

 

SOURCE : Conseil d’État, 6ème sous-section jugeant seule, 09/04/2015, n° 365811, Inédit au recueil Lebon

 

Une chaîne de restauration rapide avait engagé la responsabilité du maire de Paris pour, notamment, n’avoir pas satisfait à l’obligation de diligence qui lui incombait sur le fondement des dispositions de la loi du 3 janvier 1973 en vue de trouver une solution amiable au litige, comme l’avait recommandé le Médiateur de la République.

 

Précisément, un des établissements de la chaîne de restauration était menacé de fermeture compte tenu de la non-conformité d’une cheminée d’extraction, laquelle était en même temps génératrice de troubles du voisinage.

 

Or, il était reproché à la commune, qui y avait été pourtant expressément invitée par le Médiateur de la République , de ne pas avoir facilité la recherche d’une solution technique qui soit conforme aux normes d’urbanisme.

 

Des discussions se sont nouées sous l’égide du Médiateur de la République, entre la chaîne de restauration rapide, l’Architecte des Bâtiments de France, la Mairie de PARIS,  et les Services de l’hygiène.

 

Le Médiateur de la République a acté un tel rapprochement dans une lettre où il est précisé qu’il est « demandé aux deux services de bien vouloir se concerter et d’aider le plaignant à élaborer un projet de nature à satisfaire les exigences découlant de la protection de l’environnement monumental et du respect des normes sanitaires

 

Débouté en première instance comme en appel, le demandeur s’est pourvu en cassation.

 

Le conseil d’état a estimé qu’en ne répondant pas au moyen tiré du manquement à l’obligation de diligence qui incombait  à la commune sur le fondement, notamment, des dispositions de la loi du 3 janvier 1973, en vue de trouver une solution amiable au litige,  « la cour a[vait] entaché son arrêt d’insuffisance de motivation ».

 

Aussi, cet arrêt pourrait être regardé comme créant une nouvelle obligation, à savoir celle de se conformer à l’invitation du Médiateur de la République de parvenir à une solution amiable.

 

En effet, le Conseil d’Etat a pris le soin de préciser que le moyen « n’était pas inopérant ».

 

Dans la mesure où les compétences du Médiateur de la République sont exercées depuis 2011 par le défenseur des droits, une telle solution aurait probablement vocation à s’appliquer à ce dernier.

 

Si une telle interprétation de l’arrêt était confirmée, elle serait en tout cas cohérente avec l’incitation exprimée par l’Etat à la recherche de solutions amiables.

 

Une faveur à l’égard des processus amiables peut en effet être abondamment illustrée.

 

Elle peut l’être, en dernier lieu, à partir de la circulaire du Premier ministre en date du 6 avril 2011 relative au développement du recours à la transaction pour régler amiablement les conflits aux termes de laquelle :

 

« Le Premier ministre à Monsieur le ministre d’Etat, Mesdames et Messieurs les ministres, Mesdames et Messieurs les secrétaires d’Etat

 

La démarche de la revue générale des politiques publiques visant à optimiser l’efficacité de l’action administrative et à améliorer la qualité du service rendu aux usagers doit s’appliquer également à la prévention et au règlement des différends.

 

[…]

Comme l’avait déjà recommandé la circulaire du 6 février 1995 qui faisait suite au rapport du Conseil d’Etat intitulé « Régler autrement les conflits », la recherche d’une solution amiable pouvant conduire à la conclusion d’une transaction doit être envisagée dans tous les cas où elle permet d’éviter un contentieux inutile et coûteux, tant pour l’administration que pour les personnes intéressées […] »

 

Toute personne morale de droit public, a ainsi vocation à instaurer un dialogue avec les administrés et à rechercher des solutions amiables avec ces derniers.

 

 L’incitation exprimée par l’Etat à la recherche de solutions amiables, et qui existe, notamment, depuis la circulaire du 6 février 1995, avait a fortiori, vocation à être satisfaite à l’occasion de l’intervention du Médiateur de la  République (et depuis 2011 de celle du Défenseur des droits).

 

En vertu de l’article 12 de  Loi n°73-6 du 3 janvier 1973 instituant un Médiateur de la République, les ministres et toutes autorités publiques doivent faciliter la tâche du Médiateur de la République.

 

Le Professeur Didier Jean-PIERRE comprend cette disposition comme l’expression d’une véritable « obligation de faciliter la tâche du médiateur », bien qu’il précise qu’il s’agit « d’une obligation de moyens et non de résultat » dans la mesure où « les pouvoirs du médiateur à l’encontre de ministres ou d’autorités récalcitrantes sont faibles »[1].

 

Littéralement, la loi de 1973 a institué une véritable obligation de moyen à la charge de l’administration.

 

C’est ainsi la thèse du demandeur au pourvoi qui semble avoir été consacrée – discrètement – par le Conseil d’Etat.

 

On rappellera enfin que le Conseil d’état définit classiquement l’obligation de moyens « comme celle de faire toutes les diligences nécessaires »[2].

 

Stéphanie TRAN

Vivaldi-Avocats                       


[1]D. JEAN-PIERRE, “Les pouvoirs inconnus du médiateur de la République . – Pour un usage nouveau de pouvoirs anciens”, JCP éd. G. 2007, I 194.

[2]CE, 4ème et 5ème sous-sections réunies, 8 avr. 2009, 311434, Publié au recueil Lebon

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