Source : Conseil d’État, 9ème et 10ème chambres réunies, 20 mai 2022, n° 449385
L’usufruit des titres d’une société peut être cédé, de manière temporaire, à une autre société, tandis que la nue-propriété reste conservée par les associés personnes physiques.
Pour rappel, en présence d’un démembrement de propriété, c’est l’usufruitier qui perçoit les fruits (ex : les loyers). C’est donc lui qui est imposé sur les revenus générés par l’immeuble.
Par le jeu de la transparence fiscale, le résultat revenant à l’usufruitier devra être calculé selon les règles applicables à cette société (si l’associé est à l’impôt sur les sociétés, les règles applicables seront celles des bénéfices industriels et commerciaux).
Pendant cette période de démembrement, les associés nus-propriétaires personnes physiques ne supportent ainsi aucun impôt.
Au terme de la durée de l’usufruit temporaire, celui-ci rejoindra la nue-propriété des titres et les associés personnes physiques de la société dont l’usufruit redeviendront alors pleinement propriétaires des titres de la société civile.
En l’espèce, une société civile ayant pour activité l’exploitation et la gestion de biens viticoles a été créée par M. et Mme X. Mme X a cédé à la société civile l’usufruit temporaire des titres qu’elle détenait dans le capital d’une société civile d’exploitation viticole (SCEV) pour une période de 10 ou 17 ans selon les titres.
La société civile a fait l’objet d’une vérification de comptabilité. A l’occasion de cette vérification, l’administration fiscale a réévalué la valeur des cessions d’usufruit temporaire et a soumis la différence à imposition.
Le vérificateur a déterminé la valeur attendue de l’usufruit des titres de la SCEV en prenant la moyenne des 2 valeurs suivantes :
- Valeur actualisée des flux de revenus futurs en capitalisant le montant du dividende moyen distribué les 3 années précédant la cession à partir d’un taux de rendement et d’un taux de croissance des dividendes sur la durée de l’usufruit ;
- Valeur en pleine propriété des titres, l’usufruit étant déterminé à partir du taux de rendement des titres sur la durée de l’usufruit.
Les époux ont saisi le tribunal administratif de Châlons-en-Champagne aux fins de décharge des impositions supplémentaires, qui a partiellement fait droit à leurs demandes.
Pour le surplus, ils ont saisi la Cour administrative d’appel de Nancy. Cette dernière a rejeté l’appel.
Les époux faisaient valoir que l’évaluation de l’usufruit temporaire était fondée sur le solde actualisé de la trésorerie disponible correspondant à la différence entre l’excédent brut d’exploitation et le besoin en fonds de roulement, les annuités d’autofinancement des investissements et la rémunération des associés.
La cour d’appel relève que les époux ne justifiaient pas la modification de la pratique antérieure constante de distribution de la totalité de ses bénéfices comptables. Elle juge que la méthode utilisée par les époux déterminait uniquement l’endettement financier de la SCEV et sa trésorerie disponible mais ne permettait pas la détermination du montant des distributions prévisionnelles attendu par l’usufruitier.
Le Conseil d’État rappelle que l’usufruitier n’a droit qu’aux dividendes distribués. De ce fait, l’évaluation du revenu futur attendu par un usufruitier a uniquement pour objet de déterminer le montant des distributions prévisionnelles, celui-ci variant en fonction du remboursement de l’emprunt, des éventuelles mises en réserves justifiées par la société, etc.
Le Conseil d’État juge que la cour d’appel n’a pas méconnu son office en s’abstenant de rechercher si la méthode mise en œuvre par l’administration a tenu compte de l’ensemble des éléments, dès lors que c’était aux contribuables de justifier des éléments qui étaient susceptibles d’affecter le montant des distributions prévisionnelles.