Droit à l’expropriation pour cause de risque naturel : pourquoi les propriétaires d’immeubles menacés par l’érosion côtière n’en bénéficieraient-ils pas ?

Sylvain VERBRUGGHE
Sylvain VERBRUGGHE

 

SOURCE : Conseil d’Etat, 6ème et 5ème chambres réunies, 17 janvier 2018, n°398671

 

Issues de la loi Barnier du 2 février 1995, les dispositions des articles L561-1 et suivants du Code de l’environnement ont instauré une procédure d’expropriation atypique au profit de propriétaires de biens exposés à certains risques naturels d’une particulière gravité et susceptibles de mettre leur vie en danger, limitativement énumérés à l’article L561-1 du Code de l’environnement :

 

– Mouvement de terrain ;

– Affaissement de terrain dus à une cavité souterraine ou à une marnière ;

– Avalanche ;

– Crues torrentielles

– Montée rapide ou submersion marine

 

Au contraire du régime classique de l’expropriation, dans lequel les propriétaires des biens concernés sont indemnisés selon la valeur vénale du bien, lequel dans l’hypothèse d’un risque naturel prévisible particulièrement grave, serait proche de zéro, la procédure d’expropriation pour risque naturel contient des modalités d’indemnisation du propriétaire sans qu’il soit tenu compte du risque. Il s’agissait pour le législateur de faire en sorte que les personnes menacées dans leur vie par la survenance dudit risque soient contraintes de quitter les lieux sans que pour autant elles aient à subir à cette occasion un préjudice de nature pécuniaire.

 

Compte tenu des modalités d’indemnisation avantageuse de cette procédure, s’est posée la question du droit pour le propriétaire d’un bien exposé à l’un des risques susvisé de bénéficier du droit à l’expropriation, puisque la mise en place de cette procédure atypique ne semble pas laissée à la discrétion de l’Etat, l’Administration se retrouvant en réalité « dans une zone qui s’apparente à celle d’une compétence liée »[1].

 

C’est dans ce contexte qu’un syndicat de copropriétaires a sollicité du préfet de la Gironde qu’il engage la procédure d’expropriation des articles L561-1 et suivants du Code de l’environnement pour un immeuble menacé d’effondrement lié à un phénomène d’érosion côtière.

 

Saisie d’un recours en annulation de la décision implicite de rejet, la Cour administrative d’appel de BORDEAUX considère que l’érosion côtière ne fait pas partie des risques limitativement énumérés par l’article L561-1 du Code de l’environnement, et rejette la demande du Syndicat.

 

Le risque d’effondrement lié à l’érosion côtière étant d’une particulière gravité et menaçant la vie des occupants de l’immeuble, de la même manière que les risques énumérés à l’article L561-1 du Code de l’environnement, le Syndicat des copropriétaires considère que si ces dispositions ont pour portée d’exclure de leur champ d’application les risques liés à l’érosion côtière, alors elles méconnaissent le principe d’égalité devant la loi et le droit de propriété garantis respectivement par les articles 6 et 17 de la DDHC, ainsi que le principe de prévention garanti par l’article 3 de la Charte de l’environnement.

 

Le Conseil d’Etat estime que la QPC est nouvelle et présente un caractère sérieux, de sorte qu’il convient de la renvoyer devant le Conseil Constitutionnel.

 

A suivre…

 

Sylvain VERBRUGGHE

Vivaldi-Avocats


[1] Cf René Hostiou, L’expropriation pour risque naturel, AJDA 2012 p1324

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