Dénomination sociale et contrefaçon de marque

Virginie PERDRIEUX
Virginie PERDRIEUX

 

 

SOURCE : Cour d’appel de Bordeaux, 1e ch. civ., sect. A, 5 mai 2015, RG n°2014/00275 

 

Il est de principe qu’un signe protégé peut être repris par un tiers à titre de dénomination sociale, s’il n’a pas pour but de désigner un produit, mais la seule dénomination sociale du producteur.

 

La société civile Château Cheval Blanc, propriétaire à Saint-Emilion d’une exploitation qui produit un vin connu sous la dénomination « Château Cheval Blanc », premier grand cru classé A des vins de Saint-Emilion, est titulaire de la marque « CHEVAL BLANC » », déposée le 9 juin 1933 et régulièrement renouvelée depuis pour désigner notamment les vins et champagnes.

 

Cette société a fait assigner M. Jean-Jacques C. et l’EARL Chaussié de Cheval Blanc devant le Tribunal de Grande Instance de Bordeaux, afin de voir notamment prononcer la nullité de la dénomination EARL Chaussié de Cheval Blanc sur le fondement des articles L. 711-3 et L. 714-6 du Code de la propriété intellectuelle.

 

M. Jean-Jacques C et l’EARL Chaussié de Cheval Blanc contestent l’existence de toute contrefaçon de la marque « CHEVAL BLANC » à raison de leur dénomination sociale, en soulignant qu’elle n’aurait pas pour but de désigner un produit ou un service, mais d’identifier une entreprise.

 

Cependant, il s’avère que les sociétés en cause ont une activité identique, à savoir la production de « vins de Bordeaux » dont les terroirs sont voisins, de sorte qu’en utilisant le vocable « Cheval Blanc » dans sa dénomination sociale, l’EARL Chaussié de Cheval Blanc a incontestablement établi un lien entre les vins qu’elle produit et ceux que produit la société civile Château Cheval Blanc.

 

A partir de ce constat, la Cour d’appel de Bordeaux a retenu que la dénomination sociale EARL Chaussié du Cheval Blanc portait atteinte à la fonction essentielle de la marque « CHEVAL BLANC », qui est de permettre au consommateur d’identifier le vin qu’il achète et de le rattacher au producteur responsable de sa qualité, dont l’identité figure sur l’étiquetage.

 

Le risque de confusion dans l’esprit du public est d’autant plus caractérisé que la très grande notoriété attachée à la marque « CHEVAL BLANC » amènera un consommateur moyennement attentif à penser, en achetant un vin portant la dénomination sociale « EARL Chaussié du Cheval Blanc », qu’il s’agit d’un vin ayant une relation directe avec la production prestigieuse de la société civile Château Cheval Blanc, de nature à lui assurer une garantie de qualité, de provenance et de réputation, même si le vin produit par l’EARL Chaussié du Cheval Blanc est commercialisé à un prix nettement inférieur.

 

Mais encore, il a été jugé que les termes « Cheval Blanc » sont à ce point dominants sur le nom « Chaussié » que le seul ajout de ce patronyme n’est pas suffisamment distinctif pour empêcher le risque de confusion généré par la ressemblance d’ensemble entre la marque « CHEVAL BLANC » et la dénomination sociale de l’EARL Chaussié du Cheval Blanc.

 

Ainsi, le présent arrêt nous enseigne que la contrefaçon peut être réalisée par une dénomination sociale reprenant un signe protégé et apposé sur des produits identiques ou similaires à ceux du titulaire de la marque ou utilisé de façon à établir un lien avec eux et créer un risque de confusion dans l’esprit du consommateur d’attention moyenne.

 

Virginie PERDRIEUX

Vivaldi-Avocats

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