SOURCE : Arrêt de la Chambre Sociale de la Cour de Cassation du 02 mars 2022, n°20-14.099 (FS-B)
Un salarié a été embauché par une société de bâtiment à compter du 02 septembre 1998 en qualité d’agent d’entretien, puis a évolué vers la fonction de métreur, puis celle de conducteur de travaux, statut cadre.
L’employeur va notifier un avertissement au salarié le 19 janvier 2016 pour démotivation perturbant le fonctionnement de l’entreprise et, à partir de ce moment, les relations entre l’employeur et le salarié vont se dégrader, au point que le salarié va saisir le Conseil des Prud’hommes le 13 avril 2016 d’une demande de résiliation judiciaire de son contrat de travail et de paiement d’heures supplémentaires et de sommes à caractère indemnitaire.
Le 28 septembre 2019, l’employeur va mettre à pied, à titre conservatoire, le salarié et lui remettre une convocation à un entretien préalable à un éventuel licenciement pour faute grave, licenciement qui va lui être notifié le 18 octobre 2016, l’employeur reprochant au salarié d’avoir pratiqué dans l’entreprise une campagne de dénigrement sur le fonctionnement de la société et de ses dirigeants, avec des propos outrageant, proférant des critiques violentes, inacceptables dans le cadre d’une relation de travail et ayant créées un climat nocif au sein de l’entreprise.
La demande de résiliation judiciaire du salarié aux torts de l’employeur va être accueillie par les Premiers Juges, toutefois, la Cour d’Appel de RENNES, dans un Arrêt du 29 janvier 2020, va infirmer cette décision et débouter le salarié de l’ensemble de ses demandes sur le fondement du paiement d’un rappel d’heures supplémentaires et de congés payés y afférents, violation de la contrepartie en repos et paiement d’une indemnité de travail dissimulé, la Cour ayant relevé que le salarié avait effectivement effectué des heures supplémentaires au titre des années 2013, 2014, 2015 et 2016, mais que l’employeur avait régularisé la situation à titre amiable en fin de contrat, suite à l’examen des réclamations du salarié, de sorte qu’au jour du Jugement, il ne lui restait pas d’heure effectuée qui n’ait pas été payée ou récupérée.
Par suite, considérant la démarche de régularisation effectuée par l’employeur, avant même que le Conseil des Prud’hommes ne statue sur le paiement des heures supplémentaires, la Cour considère qu’un éventuel contentieux résiduel sur ce point n’empêchait pas la poursuite du contrat de travail, et juge que les manquements imputés à l’employeur ne sont pas établis et doivent être écartés, et le salarié débouté de sa demande de résiliation judiciaire du contrat de travail et de ses demandes subséquentes.
Ensuite de cette décision, le salarié forme un pourvoi en Cassation.
A l’appui de son pourvoi, le salarié prétend que le non-paiement des heures supplémentaires durant quatre années constitue un manquement grave de l’employeur rendant impossible la poursuite du contrat de travail et que la régularisation intervenue après le prononcé du licenciement en fin de contrat, n’a pu rendre possible la poursuite du contrat de travail.
La Chambre Sociale de la Haute Cour va accueillir l’argumentation du salarié.
Enonçant que lorsqu’un salarié demande la résiliation de son contrat de travail en raison de faits qu’il reproche à son employeur et qu’il est licencié ultérieurement, le Juge doit d’abord rechercher si la demande de résiliation judiciaire était justifiée. Pour apprécier si les manquements de l’employeur sont de nature à empêcher la poursuite du contrat de travail, le Juge peut tenir compte de la régularisation survenue jusqu’à la date du licenciement.
Par suite, la Cour d’Appel qui a débouté le salarié de sa demande de résiliation judiciaire et de ses demandes de paiement de diverses sommes au titre de la rupture en retenant que le manquement tenant au défaut de paiement des heures supplémentaires devait être écarté, compte tenu de la démarche de régularisation effectuée par l’employeur avant même que le Conseil ne statue, et qu’il résultait de ses constatations que l’employeur avait régularisé le paiement des heures supplémentaires postérieurement à la rupture du contrat de travail, la Cour d’Appel a violé les dispositions des articles L.1221-1 du Code du Travail et 1184 du Code Civil.
Par suite, la Chambre Sociale de la Haute Cour casse et annule l’Arrêt d’appel sur ce point.