SOURCE : Cass. Com., 26 janv. 2016, n° 14-23.285, F-P+B
En novembre 2004, une personne physique se porte caution solidaire à concurrence d’une certaine somme, de deux prêts accordés à une société et remboursables en 2006. La caution est engagée pour la durée du prêt, majorée de deux ans, ce délai supplémentaire devant permettre à la banque d’agir éventuellement contre la caution au titre de son obligation de paiement.
En 2011, la banque demande la saisie des rémunérations de la caution en exécution de son engagement, mais la caution oppose l’extinction de son obligation de règlement, acquise selon elle depuis le 30 septembre 2008.
La cour d’appel autorise la saisie, car pour elle, la clause par laquelle la caution s’engage pour la durée du prêt, prolongée de deux ans pour permettre à la banque d’engager éventuellement une action en paiement, est un aménagement du délai de prescription. Or ce délai a été interrompu par l’effet de la déclaration de créance de la banque au passif de la procédure du redressement judiciaire ouverte au profit de la société le 26 juin 2007, convertie en liquidation judiciaire le 16 décembre 2008, et non clôturée à ce jour, « de sorte que l’action contre la caution, engagée en 2011 cependant que le délai conventionnel de prescription de deux ans était interrompu, n’est affectée d’aucune déchéance ».
La Cour de cassation casse l’arrêt pour requalifier le délai supplémentaire consenti au bénéfice de la banque : ce n’est pas un délai de prescription, mais bien de forclusion, l’expiration de ce délai lui faisant dès lors perdre son droit de l’invoquer.
Pour la Haute juridiction, la clause par laquelle la caution est engagée pour la durée du prêt, augmentée de deux années pour permettre à la banque d’agir contre elle au titre de son obligation de règlement, a pour objet de fixer un terme à cette action. Il s’agit en conséquence d’un aménagement consistant à prévoir un terme à l’action en recouvrement de la banque… au-delà duquel celle-ci ne peut plus agir.
Distinguer délai de prescription et délai de forclusion n’est pas toujours évidente, les critères de distinction étant incertains. Il semble que l’on puisse considérer que la prescription porte sur l’obligation et le délai de forclusion sur l’action en justice[1]. Les délais de forclusion ne sont pas régis par le titre XX du Code civil sur la prescription extinctive, sauf dispositions légales contraires. Seuls la demande en justice, la mesure conservatoire et l’acte d’exécution forcée interrompent le délai de forclusion (art. 2241 al. 2 C.civ. – art. 2244 C.civ.). En outre, le point de départ du délai de forclusion obéit aux règles qui lui sont propres.
Ainsi, en plus de bien indiquer la durée du cautionnement dans l’acte d’engagement[2], la banque doit également mieux appréhender la portée juridique de sa prolongation contractuelle, et appeler la caution en garantie dès l’ouverture de la procédure collective du débiteur principal, afin d’éviter à l’avenir de pareille déconvenue…
Thomas LAILLER
Vivaldi-Avocats
[1] Cass. req., 3 mai 1927 : DH 1927, p. 302 ; S. 1930, 1, p. 127
[2]Cass. Com, 5 avril 2011, n° 09-14358