Défaut d’exploitation d’une activité commerciale dans les lieux : l’application du statut des baux commerciaux sur le fil du rasoir.

Sylvain VERBRUGGHE
Sylvain VERBRUGGHE

 

 

SOURCE :

3ème civ, 28 janvier 2016, n°14-18628

3ème civ, 28 janvier 2016, n°14-24261

 

Le même jour étaient notamment soumis à l’appréciation de la 3ème chambre civile de la Cour de cassation deux litiges, dans lesquels des bailleurs déniaient à leurs preneurs respectifs le bénéfice du statut des baux commerciaux en l’absence d’exploitation d’une activité commerciale dans les locaux dans les trois années précédent la date du congé.

 

Dans la première affaire (RG n°14-18628), le preneur excipait de l’absence de mise en demeure préalable du bailleur d’avoir à exploiter les locaux, d’autant que le bailleur connaissait, à la date du congé, l’existence des sous-locations.

 

Dans la deuxième affaire (RG n°14-24261), le preneur excipait d’une extension conventionnelle du statut au bail, puisque le bail contenait des stipulations relevant du statut des baux commerciaux, et le bailleur avait expressément agréé le sous locataire de la totalité des locaux.

 

Dans l’un et l’autre cas, le bailleur se fondait sur l’existence d’une sous location totale pour dénier tout droit du preneur au renouvellement du bail, mais surtout au règlement d’une indemnité d’éviction.

 

Il résulte en effet de la jurisprudence de la Cour de cassation que le Bailleur peut toujours rétracter son congé[1] ou invoquer un motif différent de celui invoqué dans son congé pour faire valoir que le preneur ne bénéficie pas des dispositions statutaires, au cas d’espèce, à défaut d’exploitation d’un fonds de commerce dans les lieux[2]. De surcroit, il importe peu que la cause d’exclusion du statut soit apparue après le congé ou ait été connue du bailleur à la date du congé offrant le renouvellement.

 

Ainsi, dans la première affaire (RG n°14-18628), les juges du fond, approuvés par la Cour de cassation, déclarent la rétractation du congé valable et prononcent l’expulsion du preneur, lui rappelant que la dénégation du droit au statut des baux commerciaux ne suppose aucune mise en demeure préalable, et qu’il importe peu que le bailleur connaissait l’absence d’exploitation d’une activité commerciale lors de la délivrance du congé contenant offre d’indemnité d’éviction.

 

En revanche, dans la seconde affaire (RG n°14-24261), les juges du fond relèvent également que le preneur ne rempli pas les conditions impératives du statut des baux commerciaux, mais que les parties avaient manifesté une volonté non équivoque de soumettre le bail au statut.

 

En l’occurrence, le bail était intitulé « commercial », contenait le rappel de dispositions statutaires, notamment le droit au renouvellement du bail du preneur, son maintien dans les lieux, et stipulait expressément que le statut des baux commerciaux est applicable au bail. En outre, le bailleur était intervenu à l’acte de sous-location autorisant le preneur à ne pas exploiter personnellement le fonds de commerce.

 

Par conséquent, à l’inverse de la précédente affaire, le bailleur n’était pas seulement informé de la sous location totale : il l’avait agréée. Dans ces conditions, le statut est applicable par extension conventionnelle.

 

Le respect des stipulations contractuelles et la transparence se sont donc avérés payants pour le preneur.

 

Sylvain VERBRUGGHE

Vivaldi-Avocats

 


[1] 3ème civ, 31 mai 1978, n°77-10.371

[2] Cass com., 3 avril 1962, Bull civ n°204 ; Cass com., 9 décembre 1963, Bull civ n°523

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