De la précision des modalités de calcul des intérêts dans les déclarations de créances.

Etienne CHARBONNEL
Etienne CHARBONNEL - Avocat associé

La déclaration de créance doit comporter, en elle-même, les précisions suffisantes sur les modalités de calcul des intérêts dont le cours n’a pas été arrêté, ou renvoyer expressément à un document les explicitant.

Source : Cass.Com., 23 novembre 2022, n°21-14.116, F-D

Nous avons déjà évoqué plusieurs fois, dans les newsletters VIVALDI CHRONOS, la question de la déclaration au passif des intérêts assortissant les créances à plus d’un an, dont le cours n’est à cet effet pas arrêté par le jugement d’ouverture de la procédure collective.

La Cour de Cassation vient de rappeler une nouvelle fois qu’il est requis une certaine précision dans la déclaration de ces intérêts.

Il est toujours compliqué, à la seule lecture de l’arrêt, de se faire une idée assez précise des documents versés aux débats, de leur rédaction, et donc de ce qu’ils contenaient ou pas.

Ce qui ressort cependant en l’espèce est qu’une banque avait déclaré sa créance au passif de son débiteur, en mentionnant les éléments suivants :

  • Somme échue de 180 759,30 € ;
  • Somme à échoir de 714 285,72 €, équivalente à 4 échéances, accompagnée d’une « rubrique intitulée « modalités de calcul des intérêts de retard », la mention « taux contractuel de 5,20% » » ;
  • Un document joint reprenait
    • Un calcul d’intérêts, pour la période du 30 juin 2018 au 24 septembre 2018, soit antérieurement au jugement d’ouverture, repris au taux de 5,20 %
    • La mention « Mémoire » au titre des « intérêts et frais jusqu’à parfait règlement ».

La Cour précise alors que :

« La seule mention dans une déclaration de créance, du montant non échu de cette créance et de l’indication du seul taux des intérêts de retard ne peut, en l’absence de toute précision sur les modalités de calcul des intérêts dans la déclaration elle-même ou par renvoi exprès de celle-ci à un document joint indiquant ces modalités, valoir déclaration des intérêts dont le cours n’était pas arrêté. »

Il est en fait reproché à la banque de n’avoir pas été assez claire dans la rédaction de sa déclaration de créance.

La Cour fait ici un rappel clair : la déclaration doit comporter, en elle-même, volonté de déclarer les sommes. Elle peut se référer à un décompte annexé, mais la référence doit être claire, et le décompte complet.

En l’espèce, il semblerait que la déclaration en elle-même ne mentionnait qu’un taux de 5,20 % et que le décompte annexé ne faisait lui-même référence à ce taux de 5,20% que lorsqu’était détaillé le calcul d’intérêts pour les échéances échues et impayées au jour du jugement d’ouverture.

Alors qu’à l’inverse, aucun taux n’était repris lorsqu’étaient évoqués les intérêts à échoir, simplement repris pour mémoire.

La décision est rude, dans la mesure où, manifestement, le mandataire et les juridictions avaient à leur disposition l’acte de prêt lui-même, qui permettait de vérifier l’application du taux et les conditions de calcul.

Mais la Cour de Cassation est dans la droite ligne de sa jurisprudence habituelle : la déclaration des intérêts doit être détaillée, et comporter toutes les modalités de calcul, peu important que l’acte soit versé à l’appui. De même, une simple référence au contrat est insuffisante.

La vigilance des praticiens, et plus particulièrement ceux exerçant au sein d’établissements bancaires, ou pour les établissements bancaires, est particulièrement à rappeler. 

D’autant que la sanction est sévère : il s’agit bien d’une extinction de la créance. L’erreur ne sera ainsi pas « rattrapable » dans une procédure ultérieure, par exemple dans le cadre d’une liquidation judiciaire après résolution d’un plan de redressement, redressement au passif duquel la créance d’intérêts aurait été mal déclarée.

Les dernières évolutions législatives vont d’ailleurs dans ce sens d’une demande d’une plus grande précision dans les déclarations. On rappellera ainsi utilement que, depuis l’ordonnance du 15 septembre 2021, les créanciers titulaires de sûretés doivent détailler dans leur déclaration :

  • La date de la sûreté garantissant leur créance ;
  • sa nature
  • son assiette ;
  • tout élément de nature à prouver son existence ;
  • et le cas échéant, si une sûreté réelle conventionnelle a été constituée sur les biens du débiteur en garantie de la dette d’un tiers.

Nous vous renvoyons à notre précédent article sur le sujet.

Nous ne pouvons qu’inviter les créanciers à la prudence, quitte à trop détailler leurs déclarations pour ne rien perdre.

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