Source : Cass. civ. 1ère, 5 avril 2018, n°17-13.528 F-D
I – Les faits
Dans le cadre d’un démarchage à domicile, un particulier commande des panneaux photovoltaïques, et souscrit le même jour un prêt auprès d’une banque, pour financer cet achat. L’acheteur demande l’annulation du contrat de vente, suite à des dysfonctionnements, et parallèlement demande l’annulation du contrat de prêt, faute pour la banque d’avoir remis les fonds au vendeur sans s’être assurée de l’exécution des travaux.
La banque sollicite de son côté la restitution du capital emprunté.
Après avoir annulé les contrats de vente et de prêt, une cour d’appel condamne l’acquéreur à restituer le capital emprunté à la banque. Selon la cour, au vu de l’attestation de livraison établie par le vendeur, dépourvue d’ambiguïté et faisant état de l’exécution des travaux à l’exception du raccordement, la banque, sur laquelle ne pesait aucune obligation de procéder à de plus amples vérifications, a pu se convaincre de l’exécution du contrat de vente et n’a donc commis aucune faute en remettant les fonds au vendeur.
L’acheteur a saisi la Cour de cassation, l’interrogeant sur la portée des obligations de la banque ne matière de crédit affecté.
II – L’arrêt de cassation
La Cour de cassation censure les juges du fond. Estimant que le bon de commande des panneaux photovoltaïques avait été établi en méconnaissance des dispositions du Code de la consommation sur le démarchage (il n’indiquait pas la désignation précise des biens vendus, le délai de livraison, les modalités de financement et le découpage du bordereau de rétractation aurait entraîné l’amputation d’une partie du contrat, notamment sa date et les signatures des parties).
La banque avait commis une faute en versant les fonds au vendeur sans procéder préalablement aux vérifications nécessaires qui lui auraient permis de constater que le contrat de vente était affecté d’une cause de nullité. La banque devait être privée de sa créance de restitution.
III – La stricte vigilance imposée aux banquiers
Selon le nouvel article L. 342-48 du Code de la consommation, lorsqu’un crédit à la consommation est affecté au financement d’un bien ou d’une prestation de services, les obligations de l’emprunteur ne prennent effet qu’à compter de la livraison du bien ou de la fourniture de la prestation.
L’article L. 312-55 du même Code prévoit que la résolution ou l’annulation judiciaire du contrat financé emporte de plein droit celle du contrat de crédit. L’emprunteur doit alors rembourser le capital prêté, même si le montant du crédit a été directement versé par la banque au vendeur ou au prestataire[1]. L’emprunteur est déchargé de cette obligation de restitution en cas de faute du prêteur dans la remise des fonds[2]. Elle consiste le plus souvent dans la remise des fonds avant l’exécution totale du contrat principal.
Lorsque le crédit est lié à une vente hors établissement, il résulte de la présente décision que la faute de la banque peut aussi résulter de l’absence de vérification de la validité de cette vente, matérialisée par le bon de commande, au regard du droit de la consommation.
La solution a été rendue sous l’empire de l’ancien article L 121-23 du Code de la consommation, en vigueur jusqu’au 14 juin 2014, qui prévoyait qu’un contrat conclu après un démarchage devait comporter, à peine de nullité, certaines mentions comme la désignation précise de la nature et des caractéristiques des biens offerts ou des services proposés, les conditions d’exécution du contrat, notamment les modalités et le délai de livraison des biens, ou d’exécution de la prestation de services, le prix global à payer et la faculté de renonciation.
La réglementation issue de la loi Hamon du 17 mars 2014 prévoit les mêmes informations, pour les contrats conclus hors établissement, le professionnel devant les fournir dans un contrat écrit ou sur un support durable. La solution est transposable aux contrats de vente à distance, pour lesquels la loi exige aussi un contrat écrit ou sur support durable contenant un certain nombre d’informations à peine de nullité.
En matière de crédit lié, le banquier ne doit donc pas s’assurer que de la bonne exécution du contrat principal, mais aussi de la conformité dudit contrat aux prescriptions du code de la consommation.
Thomas LAILLER
Vivaldi-Avocats
[1] Cass. civ. 1ère, 9 novembre 2004, n°02-20.999, F-PB
[2] Cass. civ. 1ère, 16 janvier 2013, n°12-13.022, F-PB