Dans un arrêt récent, le Conseil d’Etat précise l’office du juge administratif dans le cadre du contrôle de la procédure disciplinaire engagée par l’administration pour des faits antérieurs à la nomination d’un fonctionnaire mais portés ultérieurement à la connaissance de l’administration.
Source : Conseil d’Etat, 3 mai 2023, n° 438248
En l’espèce, le président du Conseil départemental de la Seine-Saint-Denis a prononcé la révocation de l’un de ses fonctionnaires à l’issue d’une procédure disciplinaire engagée à la suite de la découverte de fraudes aux prestations sociales versées par le département de la Seine-Saint-Denis.
De manière plus précise, la sanction de révocation est fondée sur des motifs tirés des antécédents judiciaires de l’intéressé, regardés comme incompatibles avec l’exercice de ses fonctions, ainsi que sur la consultation à trois reprises, d’un dossier ne relevant pas de son champ d’intervention et relatif au bénéfice de prestations sociales dont a frauduleusement bénéficié une de ses connaissances.
Le fonctionnaire se pourvoit en cassation contre l’arrêt du 4 décembre 2019 par lequel la Cour administrative d’appel de Versailles a annulé le jugement du Tribunal administratif de Montreuil qui avait annulé la sanction et enjoint au département de la Seine-Saint-Denis de le réintégrer et de reconstituer sa carrière.
C’est à cette occasion que le Conseil d’Etat énonce que lorsque l’administration estime que des faits, antérieurs à la nomination d’un fonctionnaire mais portés ultérieurement à sa connaissance, révèlent, par leur nature et en dépit de leur ancienneté, une incompatibilité avec le maintien de l’intéressé dans la fonction publique, il lui revient, sous le contrôle du juge de l’excès de pouvoir, d’en tirer les conséquences en engageant une procédure disciplinaire en vue de procéder, à raison de cette incompatibilité, à la révocation de ce fonctionnaire.
Toutefois, la Haute juridiction encadre cette faculté en attribuant au juge de l’excès de pouvoir saisi de la légalité d’une décision de révocation prononcée pour des motifs fondés sur l’existence d’antécédents judiciaires, de caractériser les faits à l’origine des condamnations en cause et d’apprécier si ces faits, compte tenu de leur nature et de leur ancienneté, étaient de nature à conduire à sa révocation, sans se borner à relever l’existence de tels antécédents.
En l’espèce, le Conseil d’Etat relève que le requérant, né en 1989, a été condamné à deux reprises. D’une part, par un jugement du tribunal correctionnel en date du 17 mars 2008, à raison d’un vol avec violence n’ayant pas entraîné d’incapacité de travail, au préjudice d’un magasin pour un montant de 485 euros, à une peine de deux ans de prison dont un an avec sursis. D’autre part, par un autre tribunal correctionnel, par jugement du 29 mars 2012, pour avoir tenté de pénétrer sans autorisation dans un établissement pénitentiaire en s’y présentant avec une pièce d’identité qui n’était pas la sienne, à une peine de trente jours-amende.
En revanche, la Haute juridiction relève que ces condamnations sont antérieures à son recrutement par le département et qu’elles ont donné lieu, pour la seconde, à une dispense d’inscription au bulletin n°2 du casier judiciaire de l’intéressé et, pour la première, à un effacement de ces mentions par un jugement de tribunal de grande instance.
Par conséquent, le Conseil d’Etat juge qu’eu égard à l’ancienneté des faits ayant justifié la première condamnation du requérant et à leur nature, ayant d’ailleurs conduit l’autorité judiciaire à retenir que leur gravité ne justifiait pas ou plus de mention des condamnations correspondantes au bulletin n° 2 du casier judiciaire, ces faits à eux seuls, dont l’administration a pris connaissance en 2014, n’affectaient pas le bon fonctionnement ou la réputation du service dans des conditions justifiant la révocation de l’intéressé par l’arrêté attaqué.