Bail commercial et trouble de jouissance imputable aux associés d’une société civile et à leurs ayants droit

Alexandre BOULICAUT
Alexandre BOULICAUT - Juriste

Il ressort d’une lecture combinée des articles 1725 et 1870 alinéas 1 et 2 du Code civil, que le bailleur constitué en société civile, est tenu de garantir le locataire des troubles que ses associés ou l’un ou l’autre de leur ayant droit, qui ne sont pas des tiers à son égard, ont apporté à sa jouissance par voie de fait.

Source : Cass. civ 3ème, 9 mars 2023, n°21-21698, FS – B

A la base de ce contentieux, un bail commercial conclu entre une société civile immobilière et une société portant sur des locaux et un parking affecté à la clientèle.

En cours d’exécution du bail, le locataire fait constater par acte d’huissier, que l’accès au parking a été cadenassé puis assigne en référé la société civile en cessation du trouble manifestement illicite.

La juridiction des référés ordonne d’une part aux associés de rétablir le libre accès à la zone litigieuse, et d’autre part une expertise comptable afin d’évaluer le préjudice subi par le locataire.

Le locataire assigne dans un second à l’appui du rapport d’expertise judiciaire, la société civile en indemnisation de son préjudice de jouissance.

Plusieurs moyens ont été soulevés par le locataire devant la Cour d’appel de Papeete, mais CHRONOS prendra le parti rédactionnel de n’examiner que celui-ci à l’origine de la censure.

Le locataire fait grief à l’arrêt de le débouter de sa demande en condamnation de la société civile à réparation du trouble de jouissance subi, alors que :

  • Que si le bailleur n’est pas tenu de garantir le preneur des troubles de fait causés par des tiers au visa de l’article 1725 du Code civil, celui-ci doit répondre des troubles subis par le preneur du fait des tiers contestant le droit du bailleur de louer les lieux ;
  • Que la société civile n’a pas été dissoute par le décès de l’un de ses associés sauf dispositions statutaires contraires, et que par conséquent, les ayants droit ne sauraient être regardés comme des tiers.

Aux termes de l’article 1725 du Code civil :

« Le bailleur n’est pas tenu de garantir le preneur du trouble que des tiers apportent par voies de fait à sa jouissance, sans prétendre d’ailleurs aucun droit sur la chose louée ; sauf au preneur à les poursuivre en son nom personnel ».

Il ressort des dispositions des alinéas 1 et 2 de l’article 1870 du Code civil que :

« La société n’est pas dissoute par le décès d’un associé, mais continue avec ses héritiers ou légataires, sauf à prévoir dans les statuts qu’ils doivent être agréés par les associés.

Il peut toutefois, être convenu que ce décès entraînera la dissolution de la société ou que celle-ci continuera avec les seuls associés survivants ».

Au visa des dispositions précitées, la société civile est présumée continuer avec les héritiers d’un associé décédé, et il incombe à celui qui dénie la qualité d’associé à l’héritier d’un associé, d’établir l’existence d’une disposition statutaire contraire.

La Haute juridiction censure l’arrêt d’appel qui avait constaté que l’accès au parking avait été bloqué par les agissements des ayants droit de l’un des associés décédés de la société civile, lesquels devaient être qualifiés de tiers à l’égard du bailleur, en raison de l’absence de justification de que les ayants droit seraient devenus automatiquement associés de la société civile au décès de l’associé.

Pour la Haute juridiction, en statuant ainsi, alors qu’une société civile est présumée continuer avec les héritiers d’un associé décédé, et que la société, qui n’établissait pas l’existence d’une stipulation contraire des statuts, devait garantir la locataire du trouble causé à sa jouissance, la cour d’appel a violé les textes susvisés

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