SOURCE : arrêt de la Chambre Sociale de la Cour de Cassation du 1er avril 2020, n°18-24.472 (FS – D)
Une salariée a été embauchée en 2011 en qualité de Responsable d’agence par une agence d’intérim lyonnaise spécialisée dans le bâtiment, la relation de travail étant soumise à l’accord national du 23 janvier 1986 relatif au salarié permanent des entreprises de travail temporaire.
Au mois de mars 2013, cette entreprise de travail temporaire a rejoint un Groupe et a changé de dénomination, de même qu’un nouveau gérant a été désigné devenant le supérieur hiérarchique de la responsable d’agence.
Le 13 décembre 2013, l’employeur a proposé à sa responsable d’agence un nouveau contrat de travail à durée indéterminé au poste de Responsable d’agence – catégorie IV – niveau 5 – coefficient 300 au salaire de 2600€ brut mensuel, correspondant à 1805 heures travaillées par an.
La salariée a refusé de signer ce nouveau contrat, puis par courrier recommandé avec accusé de réception du 24 février 2014, la salariée a présenté sa démission qu’elle a motivée par les changements induits dans le fonctionnement de l’entreprise depuis son absorption par le Groupe.
Le contrat de travail de la salariée a pris fin le 21 mars 2014.
Celle-ci a ensuite été embauchée comme Responsable d’agence aux mêmes avantages à compter du 1er avril 2014 par une entreprise de travail temporaire concurrente également située à Lyon.
Entre les mois de mars 2014 et juillet 2014, l’ancien employeur de la salariée a procédé au paiement de l’indemnité compensatrice relative à la clause de non concurrence, puis par lettre du 1er août 2014, l’ancien employeur a enjoint la salariée à cesser immédiatement son activité professionnelle pour le compte de son nouvel employeur et de lui rembourser l’intégralité de l’indemnité compensatrice de clause de non concurrence d’ores et déjà payée.
Dans la foulée, l’ancien employeur saisissait le Conseil de Prud’hommes de Lyon le 7 août 2014 de même que la salariée en faisait tout autant le 17 octobre 2014, prétendant notamment à la nullité de la clause de non concurrence.
Saisie de cette affaire, dans un arrêt du 14 septembre 2018, en réponse aux objections de la salariée faisant valoir que les clauses de non-concurrence stipulées aux contrats de travail des 3 octobre 2011 et des 13 décembre 2013 lui sont inopposables dans la mesure où ces contrats de travail ne sont pas signés, la Cour d’Appel de Lyon considère que la salariée ne peut valablement contester l’existence du contrat de travail du 3 octobre 2011 dans la mesure où :
Elle a signé un avenant du 25 janvier 2012 intitulé avenant n°1 modifiant le lieu d’exercice de ses fonctions,
Elle reconnaît dans sa lettre de démission qu’elle a travaillé comme Responsable d’agence depuis le 3 octobre 2011, date correspondante à celle mentionnée au contrat de travail,
Elle revendique le paiement d’heures supplémentaires sur la base du temps de travail stipulé dans le contrat de travail du 3 octobre 2011, savoir 37h50,
Elle ne conteste pas avoir perçu des indemnités compensatrices relatives à la clause de non concurrence stipulées dans ce contrat après sa rupture.
Compte tenu de ces éléments, la Cour d’Appel considère que toutes les stipulations du contrat de travail du 3 octobre 2011 ont bien une valeur contractuelle et notamment la clause de non concurrence figurant en son article 10.
Par suite, eu égard à la nouvelle activité professionnelle de la salariée, la cour d’Appel considère que celle-ci a violé la clause de non-concurrence stipulée en son contrat de travail et elle condamne la salariée à reverser à son ancien employeur les sommes perçues au titre de l’indemnité compensatrice de non concurrence ainsi qu’une somme de 15000€ de dommages et intérêts en exécution de la clause pénale prévue par le contrat de travail.
En suite de cette décision, la salariée forme un pourvoi en cassation.
A l’appui de son pourvoi, elle reproche à l’arrêt d’appel d’avoir considéré que la clause de non concurrence stipulée au contrat de travail du 3 octobre 2011 était licite alors que l’employeur ne peut valablement opposer au salarié les stipulations d’un contrat de travail que celui-ci n’a pas signé et dont il n’établit pas qu’il les aurait expressément acceptées de manière claire et non équivoque.
Bien lui en prit, puisqu’au visa des articles L1221-1 du Code du Travail et 1134 du Code civil dans sa rédaction antérieure à l’ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016, la Haute Cour, examinant les raisons invoquées par la Cour d’Appel pour valider l’existence du contrat de travail du 3 octobre 2011, relève que ces motifs étaient impropres à établir une acceptation claire et non équivoque par la salariée de la clause de non concurrence invoquée par l’employeur, de sorte qu’elle casse et annule l’arrêt d’appel mais seulement en ce qu’il a infirmé le jugement ayant dit la clause de non concurrence inopposable à la salariée et condamné celle-ci au remboursement de l’indemnité compensatrice de non concurrence et la somme de 15000€ au titre de dommages et intérêts en exécution de la clause pénale.