Cession d’usufruit de droits sociaux et droit d’enregistrement : droit fixe ou droit proportionnel ?

Caroline DEVE
Caroline DEVE - Avocat

Tirant les conséquences fiscales de la récente jurisprudence ayant statué sur le statut de l’usufruitier et estimant que la qualité d’associé ne revient qu’au nu propriétaire, la Cour de Cassation juge que c’est le droit fixe et non le droit proportionnel qui s’applique

Source : CCass, com, 30/11/2022, n°20-18 884, publié au Bulletin

L’article 726 du Code Général des Impôts (CGI) prévoit les taux des droits d’enregistrement dus à l’occasion de la cession de droits sociaux. Ces droits sont dus lorsque les actes de cession sont déposés auprès du service de l’enregistrement et sont assis sur le prix de cession. Ils sont généralement supportés par l’acquéreur des droits.

A l’occasion de la cession temporaire de l’usufruit des titres d’une société civile immobilière, l’acquéreur a estimé que c’était le droit fixe de 125 € prévu à l’article 680 du CGI qui devait s’appliquer et non le droit d’enregistrement proportionnel de 5% (applicable pour les sociétés à prépondérance immobilière).

L’acquéreur estimait en effet que l’article 726 du CGI concerne les cessions de droits sociaux alors qu’en l’espèce seul l’usufruit des titres avait été cédé. Or, la cession de l’usufruit des titres ne lui confère pas la qualité d’associé mais seulement le droit de jouir des titres pour la période prévue à l’acte. Les cédants de l’usufruit demeurent les seuls associés de la société.

L’administration fiscale a procédé à un rehaussement validé par les juridictions du fond qui ont estimé que « le terme de « cession » de l’article 726 n’est pas uniquement limité à l’acte définitif de la cession de l’intégralité d’une ou plusieurs parts sociales, mais s’entend de toute transmission temporaire ou définitive de la part sociale elle-même ou de son démembrement, telle la cession de l’usufruit ou de la nue-propriété, le texte ne distinguant pas selon que la cession porte sur la pleine propriété ou sur un démembrement de celle-ci ».

La Cour de Cassation, saisie du litige, casse l’arrêt de la cour d’appel au visa de l’article 726 du CGI et de l’article 578 du code civil qui dispose que l’usufruit est le droit de jouir des choses dont un autre a la propriété, comme le propriétaire lui-même, mais à la charge d’en conserver la substance.

La Cour de Cassation relève que « l’usufruitier de parts sociales ne peut se voir reconnaître la qualité d’associé, qui n’appartient qu’au nu-propriétaire, de sorte que la cession de l’usufruit de droits sociaux ne peut être qualifiée de cession de droits sociaux ».

Elle juge en conséquence que, si la cession de l’usufruit de droits sociaux n’emporte pas un transfert de propriété, cet acte n’est pas soumis au droit d’enregistrement proportionnel.

La Cour de Cassation tire ainsi les conséquences fiscales de la récente jurisprudence ayant statué sur le statut de l’usufruitier et estimant que la qualité d’associé ne revient qu’au nu propriétaire[1].


[1] Cass. 3e civ. 16-2-2022 no 20-15.164 FS-B

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