CDD : quand 225 contrats sur 11 années peuvent se justifier.

Christine MARTIN
Christine MARTIN - Avocat associée

 

SOURCE : Cass Soc., 24 juin 2015, Arrêt n° 1082 FS-P+B (n° 14-12.610).

 

Une salariée avait été engagée par une association par un premier contrat à durée déterminée le 13 septembre 1999 en qualité d’ouvrière qualifiée pour une durée de 14 jours et par un dernier contrat à durée déterminée le 22 septembre 2009 pour un remplacement de salarié absent, ce dernier contrat ayant pris fin le 30 novembre 2010.

 

Elle a, entre ces deux contrats, c’est-à-dire sur un peu plus de 11 années, cumulé 225 contrats à durée déterminée avec cet employeur.

 

En date du 10 février 2011, la salariée saisissait le Conseil des Prud’hommes afin d’obtenir la condamnation de son employeur à lui payer diverses sommes, et demandant en outre la requalification de sa relation contractuelle avec l’employeur en un contrat à durée indéterminée.

 

Déboutée de l’ensemble de ses demandes par les Premiers Juges, la salariée va interjeter appel de cette décision.

 

C’est ainsi que la Cour d’Appel de PAU se retrouve saisie de cette affaire.

 

Toutefois, dans un Arrêt du 19 décembre 2013, la Cour d’Appel, après avoir examiné l’ensemble des contrats de travail de la salariée, elle va relever qu’un très grand nombre de ses contrats avaient été conclus pour quelques jours seulement, ce qui permettait d’en expliquer le nombre important en 11 années, presque toujours avec terme précis, le plus souvent pour remplacement ou plus rarement pour surcroît exceptionnel d’activité, c’est-à-dire pour des cas expressément prévus par la loi et autorisant le recours à un contrat à durée déterminée.

 

La Cour d’Appel relève en outre que ces contrats se sont succédés de manière discontinue avec, pour chacun d’entre eux, des périodes d’inactivité dont la durée pouvait atteindre jusqu’à 5 mois.

 

D’autre part, la Cour constate également qu’il n’était pas établi que ces contrats avaient eu pour objet ou pour effet de pourvoir durablement un emploi lié à l’activité normale de l’association.

 

Par suite, la Cour d’Appel rejette également la demande en requalification en contrat à durée indéterminée.

 

Par ailleurs, dans cette espèce, la salariée demandait également une indemnisation prétendant que le dernier contrat à durée déterminée qu’elle avait occupé avait été rompu de manière anticipée et abusive, la salariée pour le remplacement de laquelle elle avait été recrutée n’ayant, en réalité, pas repris le travail.

 

Toutefois, sur ce point également, la Cour d’Appel ne va pas suivre l’argumentation de la salariée, retenant la validité du remplacement par glissement opéré par l’employeur.

 

Ensuite de cette décision, la salariée se pourvoit en Cassation.

 

A l’appui de son pourvoi, elle reproche à l’Arrêt d’Appel d’avoir rejeté sa demande de requalification en contrat à durée indéterminée, mettant en avant le nombre important de jours travaillés par an, des motifs similaires des contrats, en remplacement pour RTT ou récupération pour l’essentiel, de la récurrence des tâches confiées tel que l’entretien des locaux et d’autre part le fait que la conclusion systématique des contrats à durée déterminée pendant 11 années avait eu pour objet ou objet ou tout le moins pour effet d’assigner la salariée à des fonctions relevant d’un emploi permanent.

 

Mais la Chambre Sociale ne va pas suivre la salariée dans son argumentation.

 

Relevant au contraire que la Cour d’Appel a apprécié souverainement la portée des éléments de faits et de preuves produits devant elle et a constaté qu’un très grand nombre des contrats d’engagement de la salariée n’avaient été conclus que pour quelques jours, que les contrats s’étaient succédés de manière discontinue avec, pour chacun d’entre eux, des périodes d’inactivité dont la durée pouvait atteindre jusqu’à 5 mois, et que l’engagement n’intervenait pas toujours pour les mêmes postes, de sorte que la Cour d’Appel a légalement justifié sa décision.

 

Par suite, la Chambre Sociale rejette le pourvoi sur ce point.

 

Toutefois, sur la rupture du dernier contrat à durée déterminée conclu pour le remplacement d’un salarié absent dont la salariée considérait qu’il avait été rompu de manière anticipée, la Chambre Sociale va adopter une position contraire à celle de la Cour d’Appel.

 

En effet, relevant que la Cour avait constaté que le contrat à durée indéterminée ne comportait pas de terme précis, de sorte qu’il ne pouvait prendre fin qu’au retour du salarié dont l’absence avait constitué le motif de recours à un tel contrat, peu important le remplacement par glissement effectué par l’employeur, la Cour d’Appel a violé les dispositions légales en considérant que le contrat à durée déterminée n’avait pas été rompu de manière abusive.

 

Par suite, la Chambre Sociale casse l’Arrêt d’Appel uniquement sur ce point, en ce qu’il a débouté la salariée de sa demande d’indemnisation pour rupture abusive du dernier CDD conclu.

 

Christine MARTIN

Associée

Vivaldi-Avocats

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