Bail commercial, lorsque le congé avec offre de renouvellement vaut… refus du renouvellement !

Alexandre BOULICAUT
Alexandre BOULICAUT - Juriste

Aux termes d’un arrêt rendu le 11 janvier 2024, la Cour de cassation juge qu’un congé avec offre de renouvellement, à des clauses et conditions différentes du bail à renouveler, doit s’analyser comme un congé avec refus de renouvellement ouvrant droit à indemnité d’éviction au profit du preneur. A l’instar des clauses d’indexation « uniquement à la hausse », la Haute Cour vient-elle d’ouvrir un contentieux d’opportunité qu’elle va s’empresser de refermer ? Rien n’est moins sûr.

SOURCE : Cass. civ 3ème,11 janvier 2024, n°22-20872, FS – B

I – La décision

Le plus simple pour les lecteurs est de partir des titrages et résumés de l’arrêt commenté, qui constituent la quintessence de l’apport doctrinal de l’arrêt :

« Un congé avec une offre de renouvellement du bail à des clauses et conditions différentes du bail expiré, hors le prix, doit s’analyser comme un congé avec refus de renouvellement ouvrant droit à indemnité d’éviction ».

En statuant ainsi, la troisième chambre civile consacre la jurisprudence constante selon laquelle le renouvellement d’un bail commercial se fait aux mêmes « clauses et conditions » que celles du bail à renouveler, sauf le juge pouvoir reconnu au juge en matière de fixation judiciaire du prix[1].

Dit autrement, seul le prix du loyer peut faire l’objet d’un débat entre les parties au moment du renouvellement.

II – Une décision et des questions

         II – 1.

A la base de ce contentieux soumis à la censure de la Haute juridiction, un congé avec offre de renouvellement d’un bail commercial servant à l’exploitation d’un restaurant, est délivré avec cette particularité que le bailleur entendait par la même occasion modifier la contenance des lieux loués (i), mais aussi les obligations d’entretien des locataires (ii).

Postérieurement au congé, les locataires ont restitué les locaux et assigné le bailleur en paiement d’une indemnité d’éviction.

Echec devant la Cour d’appel qui a rejeté leur demande. Les locataires se sont donc pourvus en cassation.

La Haute juridiction juge au visa des articles 1103 du Code civil, L145-8 et L145-9 du Code civil, que les modifications auxquelles le bailleur entendait subordonner l’offre de renouvellement, ne pouvaient s’inscrire valablement dans le cadre d’un congé avec offre de renouvellement, ouvrant droit à indemnité d’éviction.

         II – 2.

Cette décision défavorable de prime abord au bailleur commercial, suscite en pratique bon nombre de questions :

Quid du locataire qui souhaite poursuivre l’exécution du bail renouvelé, dans les mêmes conditions que le bail initial : peut-il le faire ou alors doit-il agir comme s’il était évincé et donc prendre garde au délai de prescription biennale aux fins de fixation judiciaire de l’indemnité d’éviction ?

La solution est-elle identique lorsque c’est le locataire qui est à l’origine du renouvellement ?

Quid du renouvellement « aux mêmes clauses et conditions », adapté des dispositions d’ordre public de la Loi Pinel du 18 juin 2014 ? Pour mémoire, pour tous les renouvellements postérieurs à l’entrée en vigueur des dispositions d’ordre public Pinel, le transfert des gros travaux de l’article 606 et de la vétusté y étant attachée, restent à la charge du bailleur.

Dans ces conditions, un congé avec offre de renouvellement, ou une demande de renouvellement, « aux clauses et conditions initiales » adaptés des dispositions d’ordre public Pinel vaut-il pour autant refus du renouvellement ?

Face à cette incertitude, les parties ont tout intérêt à formaliser leur accord sur le renouvellement du bail, postérieurement à l’offre de renouvellement, en adaptant les clauses et conditions du bail et en répondant favorablement au formalisme imposé par le texte du 18 juin 2014.

Une solution alternative et plus logique à notre sens, aurait pu être la suivante : Le congé avec offre de renouvellement resterait valable, seules les modifications apportées par le bailleur au bail à renouveler étant inopposables au preneur[2].

Cet arrêt risque de nourrir un abondant contentieux. Reste à savoir si à l’instar du contentieux en matière de clauses d’indexation « uniquement à la hausse », la troisième chambre civile ne vient pas d’ouvrir la (nouvelle) boite à pandore du contentieux d’opportunité, qu’elle va s’empresser de refermer…


[1] En ce sens, Cass. civ 3ème, 6 mars 1991, n°89-20452, FS – PB

[2] En ce sens, CA VERSAILLES, 14 novembre 1996

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