SOURCE : Cass.3ème Civ., 14 septembre 2017, n° 16-21696
C’est ce que précise la Troisième chambre Civile de la Cour de Cassation, dans cette décision, publiée au bulletin, comme suit :
« …
Attendu, selon l’arrêt attaqué (Bordeaux, 6 juillet 2016), rendu sur renvoi après cassation (3e Civ., 1er mars 2006, pourvois n° 04-13. 190 et 04-13. 763), que, le 14 septembre 1990, une convention de location-vente d’une usine relais a été conclue entre la commune de Castelnau-de-Médoc (la commune) et la société Le Médoc gourmand, exerçant une activité de fabrication de pâtisseries industrielles ; qu’en 1991, la commune a fait édifier le bâtiment à usage industriel, sous la maîtrise d’oeuvre de M. X…, architecte, et de la société Bureau d’études Aquitec (la société Aquitec), tous deux assurés par la MAF ; que le lot climatisation a été confié à la société Hervé thermique, assurée par la SMABTP ; qu’une assurance dommages-ouvrage a été souscrite auprès de la société General accident, aux droits de laquelle se trouve la société Aviva insurance limited ; que les travaux ont été réceptionnés avec réserves le 19 septembre 1991 ; que le 20 novembre 1991, la société Le Médoc gourmand, entrée dans les lieux le 21 octobre 1991, a dénoncé à la commune un problème de condensation provoquant des moisissures sur les pâtisseries et des dégradations des revêtements muraux ; que, le 22 septembre 1992, la commune a adressé une déclaration de sinistre à l’assureur dommages-ouvrage ; que, par acte authentique du 27 avril 1993, la commune a consenti à la société Le Médoc gourmand un crédit-bail portant sur l’immeuble, pour une durée de seize années ayant commencé à courir rétroactivement le 1er novembre 1991, assorti d’une promesse unilatérale de vente au prix de 10 francs ; que cet acte comportait un exposé préalable au bail mentionnant en son paragraphe III : « Le bailleur, en étroite concertation avec le preneur, a fait établir par M. X…, architecte, les plans et les devis de cette usine, sur les indications de ce dernier qui les a vérifiés et qui a déclaré qu’ils convenaient parfaitement à ses besoins et a déchargé le bailleur de toute responsabilité à son égard, tenant tant à la conception qu’à la réalisation de l’immeuble » ; que deux compresseurs frigorifiques défaillants ont été remplacés par la société Hervé thermique, mais que les conséquences de cette défaillance, matérialisées par la présence de nappes de condensation importantes, n’ont pas été prises en charge par cette société et son assureur ; que la commune a assigné M. X…, la société Aquitec et la société Hervé thermique en indemnisation de ses préjudices ; que, par jugement irrévocable du 30 septembre 1999, le tribunal administratif de Bordeaux a condamné M. X…, la société Aquitec et la société Hervé thermique à payer à la commune la somme de 942 315, 73 euros ; que, le 6 juillet 2000, la commune et la société Le Médoc gourmand ont conclu une transaction aux termes de laquelle la commune s’est engagée à reverser l’indemnité allouée par le tribunal administratif à la société Le Médoc gourmand, celle-ci faisant son affaire personnelle des travaux de mise aux normes et s’engageant à payer les loyers dus entre le 1er janvier 1994 et le 31 décembre 1999 ; que la société Le Médoc gourmand a assigné en indemnisation l’assureur dommages-ouvrage sur le fondement de sa responsabilité délictuelle et que MM. Y…, Z…et A…, actionnaires et salariés de la société Le Médoc gourmand, sont intervenus volontairement à l’instance pour réclamer la réparation de leur préjudice personnel ; qu’un jugement du 3 août 2016 a placé la société Le Médoc gourmand en liquidation judiciaire ;
Sur le premier moyen, ci-après annexé :
Attendu que MM. Y…, Z…et A…font grief à l’arrêt de rejeter leurs demandes d’indemnisation au titre de la perte de valeur des marques et modèles ;
Mais attendu qu’ayant retenu que MM. Y…, Z…et A…ne démontraient pas que les dommages subis par la société Le Médoc gourmand du fait des désordres affectant l’immeuble les avaient mis dans l’impossibilité de valoriser les marques et modèles déposés en les cédant ou en les faisant exploiter par un tiers exerçant dans le même secteur d’activité, la cour d’appel a pu en déduire, abstraction faite de motifs erronés mais surabondants, et sans violer l’article 1er du 1er protocole additionnel à la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales, que la preuve de l’existence d’un préjudice en relation de causalité directe et certaine avec les fautes imputées aux constructeurs n’était pas rapportée ; D’où il suit que le moyen n’est pas fondé ;
Sur le second moyen :
Attendu que le liquidateur fait grief à l’arrêt de rejeter les demandes formées à l’encontre de la société Aviva, alors, selon le moyen :
1°/ que l’assureur dommages-ouvrage qui n’a pas pris position sur le principe de la mise en jeu de la garantie dans le délai légal de soixante jours à compter de la réception de la déclaration de sinistre perd le droit de contester sa garantie, qui est dès lors acquise à l’assuré ; que la cour de renvoi a relevé que la société CGU avait refusé, par lettre du 26 novembre 1993, de garantir le sinistre déclaré par le maître de l’ouvrage par courrier reçu par l’assureur le 23 septembre 1992 ; qu’il résultait de ces énonciations que la société CGU était déjà déchue de son droit de contester sa garantie au moment où elle a refusé de la faire jouer, ce dont il résultait qu’elle s’était dès lors fautivement abstenue d’exécuter les termes de la police d’assurance en ne finançant pas les travaux de réfection et qu’elle avait ainsi commis une faute dont les tiers pouvaient se prévaloir pour obtenir réparation des dommages qu’elle leur aurait causés ; qu’en retenant pourtant que la sanction de la méconnaissance du délai légal de réponse se limitait à permettre à l’assuré de préfinancer les travaux moyennant une majoration de l’indemnité et qu’il ne pouvait être imputé à faute à l’assureur dommages-ouvrage de ne pas avoir exécuté de sa propre initiative son obligation d’assurance car il incombait à la commune de préfinancer les travaux dès lors qu’elle constatait le défaut de réponse dans le délai légal, voire à la société LMG d’actionner l’assureur en exécution de ses obligations en vertu d’un mandat qui lui aurait été conféré, la cour de renvoi a violé l’article L. 242-1 du code des assurances, dans sa rédaction applicable à l’espèce, ensemble les articles 1134, 1382 et 1383 du code civil, dans leur rédaction applicable à l’espèce ;
2°/ que, pour exclure toute responsabilité délictuelle de la société CGU envers la société LMG, la cour d’appel a retenu que cette dernière, qui disposait d’un mandat général que la commune lui avait conféré dans l’article 4. 5 de la convention de crédit-bail du 27 avril 1993 pour exercer les droits et actions du bailleur à l’encontre de tout tiers au titre des réparations relevant de la garantie de l’article 1792 du code civil, n’avait agi à l’encontre de l’assureur qu’en 2001 ; qu’en statuant ainsi, quand l’article 4. 1 de la convention indiquait clairement et précisément que la commune s’engageait à remédier aux malfaçons déjà constatées au jour du crédit-bail, ce dont il résultait que le mandat donné par l’article 4. 5 ne portait pas sur les désordres déjà déclarés et objets de la présente instance, la cour d’appel a dénaturé la convention du 27 avril 1993, violant ainsi l’article 1134 du code civil, dans sa rédaction applicable à l’espèce ;
3°/ que la victime n’est pas tenue de limiter son préjudice dans l’intérêt du responsable ; que, pour exclure toute responsabilité délictuelle de la société CGU envers la société LMG, la cour d’appel a relevé que cette dernière n’avait pas procédé à la réfection de l’usine au moyen des diverses sommes qu’elle avait perçues à cet effet, ce dont elle a déduit que cette circonstance rompait tout lien causal entre la faute de la société CGU et les préjudices subis par la société LMG ; qu’en statuant ainsi, quand les préjudices subis par la société LMG ne pouvaient lui devenir imputables du fait qu’elle n’avait pas procédé à la réalisation des travaux, la cour de renvoi a violé les articles 1382 et 1383 du code civil, dans leur rédaction applicable à l’espèce, ensemble le principe de réparation intégrale du préjudice ;
4°/ que, pour exclure toute responsabilité délictuelle de la société CGU envers la société LMG, la cour d’appel, après avoir rappelé que la société LMG avait perçu une indemnité transactionnelle de la part de la commune et une indemnité provisionnelle au mois d’octobre 2000 par décision du juge de la mise en état, a relevé que cette dernière n’avait pas procédé à la réfection de l’usine au moyen des diverses sommes qu’elle avait perçues à cet effet, ce dont elle a déduit que cette circonstance rompait tout lien causal entre la faute de la société CGU, à la supposer reconnue, et les préjudices subis par la société LMG ; qu’en statuant ainsi, quand la provision allouée par le juge de la mise en état s’imputait sur le préjudice commercial subi par la société LMG et n’avait nullement vocation à financer les travaux, la cour de renvoi a violé les articles 1382 et 1383 du code civil, dans leur rédaction applicable à l’espèce, ensemble le principe de réparation intégrale du préjudice ;
5°/ que, pour exclure toute responsabilité délictuelle de la société CGU envers la société LMG, la cour d’appel, après avoir rappelé que la société LMG avait perçu une indemnité transactionnelle de la part de la commune et une indemnité provisionnelle au mois d’octobre 2000 par décision du juge de la mise en état, a relevé que cette dernière n’avait pas procédé à la réfection de l’usine au moyen des diverses sommes qu’elle avait perçues à cet effet, ce dont elle a déduit que cette circonstance rompait tout lien causal entre la faute de la société CGU, à la supposer reconnue, et les préjudices subis par la société LMG ; qu’en statuant ainsi, sans rechercher, comme elle y était invitée, si la société LMG n’avait pas été empêchée de réaliser les travaux nécessaires au bon fonctionnement de l’usine en raison des pertes financières occasionnées par les désordres, pertes qui ont absorbé l’indemnité transactionnelle et fait obstacle à son utilisation aux fins de financer les travaux, la cour d’appel a privé sa décision de base légale au regard des articles 1382 et 1383 du code civil en leur rédaction applicable à l’espèce et du principe de la réparation intégrale du préjudice ;
6°/ que, pour exclure toute responsabilité délictuelle de la société CGU envers la société LMG, la cour d’appel, après avoir rappelé que la société LMG avait perçu une indemnité transactionnelle de la part de la commune et une indemnité provisionnelle au mois d’octobre 2000 par décision du juge de la mise en état, a relevé que cette dernière n’avait pas procédé à la réfection de l’usine au moyen des diverses sommes qu’elle avait perçues à cet effet, ce dont elle a déduit que cette circonstance rompait tout lien causal entre la faute de la société CGU, à la supposer reconnue, et les préjudices subis par la société LMG ; qu’en statuant ainsi, sans rechercher, comme elle y était invitée, si les pertes réalisées par la société LMG n’étaient pas supérieures à l’ensemble des indemnités qu’elle avait perçues, y compris celles afférentes au préjudice commercial, de sorte qu’elle s’était trouvée dans l’impossibilité de réaliser les travaux sans que cela lui fût imputable, la cour d’appel a privé sa décision de base légale au regard des articles 1382 et 1383 du code civil en leur rédaction applicable à l’espèce et du principe de la réparation intégrale du préjudice ;
7°/ que, pour exclure toute responsabilité délictuelle de la société CGU envers la société LMG, la cour d’appel, après avoir rappelé que la société LMG avait perçu une indemnité transactionnelle de la part de la commune et une indemnité provisionnelle au mois d’octobre 2000 par décision du juge de la mise en état, a relevé que cette dernière n’avait pas procédé à la réfection de l’usine au moyen des diverses sommes qu’elle avait perçues à cet effet, ce dont elle a déduit que cette circonstance rompait tout lien causal entre la faute de la société CGU, à la supposer reconnue, et les préjudices subis par la société LMG ; qu’en statuant ainsi, par un motif impropre à exclure que le défaut de financement fautif de l’assureur avait causé un préjudice à la société LMG au moins sur la période comprise entre l’apparition du sinistre et la perception des sommes invoquées, la cour d’appel a violé les articles 1382 et 1383 du code civil, dans leur rédaction applicable à l’espèce, ensemble le principe de réparation intégrale du préjudice ;
8°/ que, pour exclure toute responsabilité délictuelle de la société CGU envers la société LMG, la cour d’appel, après avoir rappelé que la société LMG avait perçu une indemnité transactionnelle de la part de la commune et une indemnité provisionnelle au mois d’octobre 2000 par décision du juge de la mise en état, a relevé que cette dernière n’avait pas procédé à la réfection de l’usine au moyen des diverses sommes qu’elle avait perçues à cet effet, ce dont elle a déduit que cette circonstance rompait tout lien causal entre la faute de la société CGU, à la supposer reconnue, et les préjudices subis par la société LMG ; qu’en statuant ainsi, sans rechercher, comme elle y était invitée, si la situation financière de la société LMG lui permettait de maintenir son activité tout en procédant aux travaux, la cour d’appel a privé sa décision de base légale au regard des articles 1382 et 1383 du code civil en leur rédaction applicable à l’espèce et du principe de la réparation intégrale du préjudice ;
Mais attendu qu’ayant retenu, à bon droit, que la sanction du non-respect du délai de soixante jours prévu à l’article L. 242-1 du code des assurances était limitative, qu’elle autorisait l’assuré à préfinancer les travaux à ses frais moyennant une majoration de sa créance indemnitaire et qu’elle ne se conjuguait pas avec une cause de responsabilité, la cour d’appel a, par ces seuls motifs, légalement justifié sa décision de rejeter les demandes formées à l’encontre de l’assureur dommages-ouvrage ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ; … »
Kathia BEULQUE
Vivaldi-Avocats