SOURCE : 3ème civ, 30 mars 2017, 16-13.914, Publié au bulletin
La clause d’indexation d’un bail a pour objet d’adapter le montant du loyer à l’évolution du contexte économique. Cette adaptation pouvant toutefois s’avérer dangereuse pour chacune des parties en cas de forte hausse ou de baisse de l’indice de référence, entrainant une augmentation ou une diminution importante du prix du bail, l’article L145-39 du Code de commerce prévoit qu’au-delà d’une variation de 25% du montant loyer engendré par l’application de la clause d’indexation, chacune des parties peut exiger la fixation du loyer au prix du marché.
« (…) si le bail est assorti d’une clause d’échelle mobile, la révision peut être demandée chaque fois que, par le jeu de cette clause, le loyer se trouve augmenté ou diminué de plus d’un quart par rapport au prix précédemment fixé contractuellement ou par décision judiciaire. »
Si toute clause, stipulation ou arrangement dérogeant aux dispositions de ce texte d’ordre public, en vertu de l’article L145-15 du Code de commerce, sont réputés non écrits, un accord des parties peut-il néanmoins limiter, non l’application même des dispositions (suppression ou aménagement des conditions de mise en œuvre[1]), mais leur effet ?
Plus précisément, un bail stipulait que le preneur renonçait « à faire fixer judiciairement le loyer à une somme inférieure au loyer contractuel (…) même dans le cas où la valeur locative se révèlerait inférieure au loyer contractuel ». Estimant que la clause contrevient aux dispositions susvisées, le preneur a sollicité judiciairement la révision du loyer à la valeur locative, dont le montant était inférieur au loyer d’origine du bail.
Le bailleur s’est opposé à la demande, en affirmant que la clause du bail ne contrevient pas aux dispositions de l’article L145-39 puisqu’elle permet au preneur de faire usage de ses droits, sauf à restreindre la baisse du loyer au plancher contractuel.
La Cour d’appel de Paris partage la position du bailleur, et fixe le montant du loyer révisé au prix du bail initial. Pour les juges parisiens, la clause ne fait pas échec à la révision spéciale puisqu’elle permet au preneur, une fois remplies les conditions de la demande en révision, d’obtenir une fixation à la baisse du loyer du bail révisé, mais dans la limite du loyer « plancher » convenu.
L’arrêt est cassé par la Cour de cassation, au terme d’une lecture stricte des dispositions des articles L145-39 et L145-15 du Code de commerce résumée au syllogisme suivant :
1. En cas d’augmentation de plus d’un quart du loyer, chaque partie peut demander la fixation du loyer à la valeur locative ;
2. Or la clause ne permet pas de fixer le loyer à la valeur locative ;
3.Donc la clause doit être réputée non écrite.
La Haute juridiction ajoute, en tant que de besoin, que si le preneur peut renoncer à son droit d’obtenir la révision du loyer, encore faut-il que son droit soit né et actuel, c’est-à-dire à la date à laquelle le loyer évolue de plus d’un quart, ce qui exclut toute clause insérée au bail d’origine. Le bail ne pouvait en effet stipuler que le preneur « renonce » pendant toute la durée du bail à faire fixer judiciairement le loyer à une somme inférieure au loyer plancher, de sorte que l’arrêt de la Cour d’appel, consacrant une renonciation anticipée du preneur à un droit, encourrait inévitablement la censure.
La première partie du conclusif, prônant un rejet de principe du plancher de révision pouvait quant à elle prêter à discussion, même si elle était prévisible. En effet, la Cour de cassation avait déjà dans un précédent arrêt de 2002[2], censuré une Cour d’appel (Reims) pour avoir débouté le bailleur de sa demande de révision du loyer au motif que les parties avaient valablement décidé de fixer par avance et forfaitairement le prix du bail. Pour la Haute juridiction, la révision est de droit.
Certes, mais en l’espèce, la révision est effectuée, le contentieux étant axé sur le montant de la valeur locative fixée selon les dispositions de l’article L145-33 du Code de commerce dont on sait qu’elles peuvent être aménagées dans le cadre du renouvellement du bail[3].
Pour la Cour de cassation, l’ordre public économique attaché à la révision spéciale du loyer implique qu’il ne peut être dérogé tant au prinicpe de la révision, qu’aux modalités de fixation du montant de la valeur locative.
Sylvain VERBRUGGHE
Vivaldi-Avocats
[1] Par exemple en stipulant que le droit du preneur ne s’exercera qu’à compter d’une variation de 30% du montant du loyer, et non 25%
[2] 3ème civ, 30 janvier 2002, n°00-15.202, Publié au bulletin
[3] 3ème civ, 10 mars 2004, n°02-14.998, Publié au bulletin