SOURCE : Cass com., 05 janvier 2016, Arrêt n° 4 F- P + B (n° 14-18.688 et 14-18.689).
Un salarié va être engagé le 1er janvier 2002 par une société anonyme en qualité de directeur de site, avant d’être nommé directeur général le 05 novembre 2007, puis désigné en qualité d’administrateur de la société le 28 novembre 2007.
Révoqué de ses fonctions de directeur général à compter du 15 mars 2010, puis de son mandat d’administrateur à compter du 22 juillet 2006 et enfin licencié pour motif économique le 21 octobre 2010, il va demander à la société le paiement de l’indemnité complémentaire de licenciement conclue par un avenant à son contrat de travail, prétendument daté du 20 février 2007.
De son côté, la société entretemps placée sous procédure de sauvegarde, n’ayant découvert l’existence de cet avenant que le 10 avril 2010, va considérer qu’il a été conclu en fraude des dispositions légales régissant le contrôle des conventions réglementées et refuser de procéder au paiement de l’indemnité. Par suite, le salarié ancien mandataire social va saisir tant la juridiction civile que prudhommale.
Si le salarié va voir sa demande accueillie par les Juges de Première Instance prudhommale, la Cour d’Appel de BOURGES, dans un Arrêt du 09 mai 2014, retenant que cet avenant au contrat de travail a été déclaré nul et de nul effet par l’Arrêt de la Chambre Civile de la Cour d’appel de BOURGES du 10 avril 2014, va dans un Arrêt du 09 mai 2014 considérer que le salarié ne saurait prétendre au paiement d’une quelconque somme en application de cet avenant.
Par suite, le salarié, ancien mandataire social, forme un pourvoi en Cassation à l’encontre des deux Arrêts de la Cour d’Appel de BOURGES.
Mais la Chambre Commerciale :
– énonçant qu’une convention intervenue entre une société et son dirigeant peut être annulée si elle est entachée de fraude pour avoir été conclue dans le dessin de l’exclure du champ d’application des conventions réglementées par les articles L.225-38 et suivants du Code de Commerce,
– relevant que la rédaction de l’avenant daté du 20 février 2007 était intervenu au cours des jours ayant précédés la tenue du Conseil d’Administration du 05 novembre 2007 et celle de l’Assemblée Générale du 28 novembre 2007,
– relevant que le salarié avait, lors de son audition dans le cadre de l’enquête diligentée pour faux et usage de faux, indiqué que sans cet avenant, il n’aurait jamais accepté le mandat de directeur général, l’Arrêt d’Appel retenant que le document litigieux avait été établi afin de permettre au salarié de faire face aux conséquences personnelles de sa nomination en qualité d’administrateur, et que ce document, en tant qu’il stipule le versement d’une indemnité en cas de licenciement, a pour cause, non le contrat de travail qui le liait à la société, mais sa nomination en qualité de directeur général de cette société, et que le fait de le dater avant sa nomination permettait de l’exclure du champ d’application des conventions réglementées en ne le soumettant pas à l’autorisation du Conseil d’Administration ni à l’approbation de l’Assemblée Générale,
Considère que la Cour d’Appel a pu décider que cet avenant intervenu en fonction des fraudes des dispositions légales régissant les conventions réglementées devait être annulé.
La Haute Cour relève en outre :
– que l’avenant litigieux qui imposait à la société d’allouer au salarié une indemnité complémentaire de licenciement représentant l’équivalent d’une année de sa rémunération de mandataire social, avait généré un important contentieux entre les parties, l’Arrêt d’Appel a pu en déduire que cet avenant avait eu des conséquences dommageables pour la société.
– que l’Arrêt d’Appel, après avoir constaté que l’avenant daté du 20 février 2007 avait, en réalité, été signé quelques jours seulement avant la nomination du salarié aux fonctions de directeur général et d’administrateur de la société et que c’est seulement au cours du Conseil d’Administration du 07 avril 2010 que le salarié avait informé le conseil de l’existence de cet avenant, lequel n’était mentionné sur aucun des procès verbaux antérieurs à celui du 07 avril 2010, l’Arrêt d’Appel a pu en déduire que la convention litigieuse avait été volontairement dissimulée tant à la société qu’à ses organes, ce dont il résultait que le point de départ du délai de prescription était reporté au jour où cette convention avait été révélée.
Et en déduit que la décision d’Appel est parfaitement justifiée.
Par suite, la Chambre Commerciale rejette le pourvoi.
Christine MARTIN
Associée
Vivaldi-Avocats