Source : Tribunal de Grande Instance de Rennes, 2ème Chambre civile, jugement du 1er octobre 2018, aff. Ariase Group / GV Communication, M. X. et Picard Déménagement
La société Ariase Group est titulaire de la marque « Les Artisans Déménageurs » dans la classe de services 39 “Organisation de voyages ; distribution de journaux ; location de véhicules, de bateaux ou de chevaux ; réservation pour les voyages” et exploite un site dont l’adresse URL est www.lesartisansdemenageurs.com et dont l’activité consiste à mettre en relation des internautes avec les sociétés de déménagement appartenant à son réseau.
Une seconde société a postérieurement créé un site Internet spécialisé dans l’organisation de déménagements sous l’URL www.artisans-demenageurs.com, puis l’a cédé à la société Picard Déménagement.
Estimant que le nom de domaine www.artisans-demenageurs.com crée un risque de confusion avec sa marque et son nom de domaine, la société Ariase Group a saisi le Tribunal de Grande Instance de Rennes aux fins d’obtenir le transfert du site Internet litigieux, ou à tout le moins l’interdiction de l’exploiter, sur le fondement de la contrefaçon de marque ou, à titre subsidiaire, de la concurrence déloyale.
En l’espèce, le Tribunal ayant jugé que la demanderesse ne démontrait pas être propriétaire de la marque « Les Artisans Déménageurs », l’a déclarée irrecevable en son action en contrefaçon, faute de prouver sa qualité à agir.
Seule l’action en concurrence déloyale subsistait donc, fondée sur l’identification d’un risque de confusion entre les deux noms de domaine exploités.
Le Tribunal a entendu à ce titre rappeler une différence existant entre l’action en concurrence déloyale et l’action en contrefaçon, en ces termes : « au-delà de l’éventuelle reproduction, l’auteur d’une concurrence déloyale doit avoir enfreint la loyauté nécessaire à l’exercice du commerce ou avoir accompli des actes déloyaux distincts de la reproduction elle-même ». Or, en matière de contrefaçon, la bonne foi du contrefacteur est indifférente.
Le Tribunal précise encore que, quand bien même les organismes chargés d’enregistrer les noms de domaine refuseraient de se livrer à un examen de leur caractère distinctif, il n’en demeure pas moins que les noms de domaine sont soumis à l’exigence de distinctivité, laquelle influe en effet sur leur protection, dès lors que le risque de confusion invoqué en découle.
Cependant, si le nom de domaine n’est constitué que d’un terme générique ou descriptif, son utilisateur ne peut faire grief à un tiers d’avoir commis une faute en utilisant le même terme afin de désigner des produits, services ou activités identiques ou similaires. En effet, les termes nécessaires ou utiles à la désignation ou à la description des produits, services ou activités proposés appartiennent au domaine public et doivent rester à la disposition de tous, si bien que nul ne peut être considéré comme fautif de les avoir utilisé.
En l’espèce, le Tribunal constate que le nom de domaine utilisant les termes « artisans déménageurs », s’agissant d’une activité consistant à établir en ligne des devis de déménagement et à mettre en relation le candidat au déménagement avec l’un des déménageurs membres du réseau, est purement descriptif et ne présente aucun caractère distinctif. Le terme « déménageur » renvoie en effet au métier auquel il est question de recourir et le terme « artisan » renvoie à un certain savoir- faire, doublé d’une proximité, le tout étant censé inspirer la confiance du consommateur.
Il en découle que l’internaute qui tape les mots « artisan(s) déménageur(s) », cherche soit une entreprise de déménagement, auquel cas il choisit l’une ou l’autre des propositions que lui fait le moteur de recherche, soit la société correspondant à “Les Artisans Déménageurs”, auquel cas, il ne peut à aucun moment se méprendre sur le site auquel il doit se connecter.
Au vu de ces constatations, le Tribunal déboute la société Ariase Group de sa demande fondée sur la concurrence déloyale, par l’attendu de principe suivant :
« Les activités sont bien les mêmes, tout du moins en partie, mais les sites réellement différents, et l’absence totale de distinctivité des termes utilisés pour les noms de domaine ainsi que les différences d’apparence, excluent qu’il puisse y avoir le moindre risque de confusion ».
Ainsi, tout comme en matière de marques, l’absence de distinctivité du nom de domaine revendiqué empêchera de caractériser des actes de concurrence déloyale, en ce qu’il ne peut y avoir de risque de confusion entre les signes. Cette absence de distinctivité permet encore de conclure à l’absence de faute, puisque l’intention frauduleuse ne peut alors être présumée.
Virginie PERDRIEUX
Vivaldi-Avocats