La proposition de loi constitutionnelle vise après l’article 2 de la Charte de l’environnement, à insérer un article 2-1 ainsi rédigé :
« Art. 2-1. – L’eau est un bien commun de l’humanité. Toute personne a le droit fondamental et inaliénable d’accéder, gratuitement, à la quantité d’eau potable indispensable à la vie et à la dignité, prioritairement à tout autre usage. L’approvisionnement en eau potable des habitants, et son assainissement, sont assurés exclusivement par l’État ou les collectivités territoriales, directement et de façon non lucrative ».
Déposée le 14 décembre 2017 par Bastien LACHAUD ainsi que par plusieurs membres du groupe La France insoumise, la présente proposition de loi constitutionnelle viserait à reconnaître le droit à l’eau comme un « droit-créance ».
Disons le tout de go, cette proposition ne sera politiquement pas suivie par les autres groupes politiques telle que le suggère d’ores et déjà la lecture du rapport fait au nom de la commission des lois constitutionnelles.
Cette proposition a toutefois le mérite de rappeler plusieurs problématiques très actuelles relatives à la place dans la hiérarchie des normes du droit à l’eau (1.) et d’interroger la problématique du coût d’une ressource limitée dans le cadre de gestion locale de petit cycle de l’eau (2.).
1. Le renforcement progressif du droit à l’eau dans notre système normatif
La garantie de l’accès de tous à l’eau potable et à l’assainissement progresse incontestablement depuis plusieurs décennies :
– En 1946, le constituant français inscrivait dans le préambule du texte fondateur de la IVème République le droit pour chacun, de disposer d’un logement décent.
– L’article L. 210-1 du code de l’environnement, issu de l’article 1er de la loi n° 2006-1772 du 30 décembre 2006 sur l’eau et les milieux aquatiques, prévoit que « chaque personne physique, pour son alimentation et son hygiène, a le droit d’accéder à l’eau potable dans des conditions économiquement acceptables par tous ». Toutefois, les modalités de mise en œuvre effective de ce droit n’ont jamais été réellement définies.
– En 2010, l’Assemblée générale des Nations-Unies (reconnaissait l’accès à l’eau potable et à l’assainissement comme un droit fondamental, essentiel à tous les droits humains.
– En 2013, la « loi Brottes » visant à préparer la transition vers un système énergétique sobre et portant diverses dispositions sur la tarification de l’eau et sur les éoliennes, a interdit les coupures d’eau en cas de factures impayées.
2. Implication de la gratuité d’une ressource limitée
Très concrètement, l’article unique de la proposition de loi constitutionnelle imposant un accès gratuit à la quantité d’eau potable indispensable à la vie et à la dignité, aurait pour conséquence de substituer une répartition différente du coût de l’eau, aujourd’hui à la charge de l’usager demain à la charge du contribuable.
Elle se traduirait notamment par la gratuité des compteurs d’eau, installés dans les résidences principales des personnes physiques, et par la suppression des parts fixes des abonnements.
En d’autres termes, la proposition constitutionnelle impliquerait un changement de paradigme par rapport au principe actuel selon lequel “l’eau paie l’eau” qui repose sur l’idée que les dépenses des collectivités doivent être équilibrées par les recettes perçues auprès des usagers (factures d’eau).
Au passage, telle proposition ne manquerait pas de susciter des interrogations quant à son articulation avec le principe de libre administration des collectivités territoriales qui en matière de gestion d’eau se traduit par différent mode de gestion retenue ou déléguée (de la régie personnalisée et intéresse à l’affermage et la concession).
Harald MIQUET
Vivaldi-avocats