Amiante : Seule une clause mettant à la charge du preneur son retrait exonère le Bailleur au titre de son obligation de délivrance

Sylvain VERBRUGGHE
Sylvain VERBRUGGHE

 

SOURCE : 3ème civ, 18 janvier 2018, n° 16-26.011 F-P+B+I

 

En l’espèce, une association prend à bail un immeuble pour y exploiter une activité de crèche. Elle conclut préalablement un contrat de promotion immobilière qui sera annexé au bail, visant à réhabiliter l’immeuble et le mettre aux normes.

 

Au cours des travaux, le promoteur relève la présence d’amiante en toiture, procède au désamiantage et facture cette prestation complémentaire au preneur, qui en sollicite le remboursement au bailleur. De plus, la livraison de l’immeuble ayant été retardée par le désamiantage, le preneur sollicite l’indemnisation de son préjudice.

 

Saisie du litige, la Cour d’appel de Versailles retient que le promoteur était tenu d’une obligation de résultat en matière d’hygiène et de sécurité, qui aurait dû inévitablement le conduire à identifier la présence d’amiante en toiture. Ainsi, les travaux de désamiantage auraient dû figurer parmi les travaux de réhabilitation, de sorte que le preneur ne peut prétendre qu’il ignorait la présence d’amiante et ne saurait obtenir le remboursement de leur retrait auprès du bailleur. Autrement dit, le preneur devait rechercher la responsabilité du promoteur, et non du bailleur.

 

C’est sur la base de ce raisonnement qu’elle déboute le preneur de ses prétentions.

 

La Cour de cassation n’est pas de cet avis, et casse l’arrêt :

 

« Qu’en statuant ainsi, alors que les obligations pesant sur le promoteur immobilier envers le preneur, au titre des travaux de réhabilitation d’un immeuble loué, n’exonèrent pas le bailleur, tenu d’une obligation de délivrance, de la prise en charge des travaux nécessaires à l’activité stipulée au bail, sauf clause expresse contraire, la cour d’appel, qui s’est déterminée par des motifs impropres à caractériser une exonération du bailleur, a privé sa décision de base légale ; »

 

La décision, qui bénéficie d’une large publication (F – P+B+I) est conforme à la jurisprudence de la Troisième Chambre civile qui rappelle régulièrement[1] que le Bailleur est tenu d’une obligation de délivrance conformément à la destination contractuelle du bien sur le fondement de l’article 1719 du Code civil.

 

En effet, lorsqu’il garantit la possibilité pour le preneur d’exploiter les lieux conformément à leur destination, le bailleur manque à son obligation de délivrance à chaque fois que pour une raison quelconque le bien ne peut pas être exploité comme en l’espèce, dans laquelle les locaux sont loués à usage de crèche.

 

L’arrêt est en revanche plus particulièrement intéressant lorsqu’il retient la responsabilité du bailleur, alors que le preneur aurait dû savoir que l’immeuble contenait de l’amiante et que ces travaux auraient dû normalement être pris en charge par le preneur, bien que l’obligation ne soit reportée au bail. La Cour de cassation est cependant ferme et ne retient qu’une alternative :

 

– Soit les travaux portant sur les vices de l’immeuble le rendant impropre à l’usage auquel il est destiné, sont traité par une clause précise du bail les mettant à la charge du preneur (amiante, vétusté, mise aux normes, etc.) ;

 

– Soit ces travaux sont à la charge du bailleur ;

 

Dans cette deuxième hypothèse, ce sont également les clauses du bail qui détermineront si le bailleur engage sa responsabilité si les travaux se poursuivent plus de 21 jours ou comme en l’espèce, retardent la livraison de l’immeuble.

 

Restera alors le recours subrogatoire du bailleur sur le promoteur pour les sommes acquittées à cette occasion.

 

Sylvain VERBRUGGHE

Vivaldi-Avocats

 


[1] Cf par exemple 3ème civ, 11 octobre 2011, 10-17.257, 3ème civ, 3 mai 2011, 10-15.662, Inédit ; 3ème civ, 7 mars 2006, 04-19.639, Inédit

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