Maintien dans les lieux dans l’attente du versement de l’indemnité d’éviction et bail verbal

Sylvain VERBRUGGHE
Sylvain VERBRUGGHE

 

SOURCE : 3ème civ, 6 juillet 2017, n°16-17817, Inédit

 

A l’issue de la durée contractuelle d’un bail, le statut des baux commerciaux permet au propriétaire de l’immeuble loué de refuser le renouvellement du bail, sous réserve d’indemniser l’entier préjudice du preneur consécutif au refus de renouvellement. Le bailleur doit ainsi s’acquitter d’une indemnité dite « d’éviction »

 

L’indemnité d’éviction est due par le bailleur et plus précisément, dans le cadre de la vente de l’immeuble pris à bail, par l’auteur du congé. Il s’agit d’une dette personnelle du vendeur[1] au paiement de laquelle l’acquéreur ne peut être solidairement tenu[2], sauf clause contraire dans l’acte de vente[3].

 

Tant que cette indemnité ne lui est pas versée, le preneur a droit au maintien dans les lieux, conformément aux dispositions de l’article L145-28 du Code de commerce :

 

« Aucun locataire pouvant prétendre à une indemnité d’éviction ne peut être obligé de quitter les lieux avant de l’avoir reçue. Jusqu’au paiement de cette indemnité, il a droit au maintien dans les lieux aux conditions et clauses du contrat de bail expiré. (…) »

 

Et l’acquéreur de l’immeuble, même en l’absence de délégation imparfaite de paiement dans l’acte de vente, doit subir cette occupation, la Cour de cassation jugeant que « le droit au maintien dans les lieux est opposable à l’acquéreur de l’immeuble, même non tenu au paiement de l’indemnité »[4].

 

Il résulte ainsi de ce qui précède qu’en cas de vente d’un immeuble donné à bail dans lequel le preneur se maintien dans l’attente du règlement de son indemnité d’éviction, l’acquéreur n’est en principe pas tenu de régler l’indemnité, mais ne peut pas non plus retrouver la jouissance de son bien tant que le vendeur ne s’est pas acquitté de l’indemnité, ou que l’action en fixation de l’indemnité d’éviction n’est pas prescrite, étant rappelé à cet égard que la prescription court à compter de la date d’expiration du bail, c’est-à-dire la date d’effet du congé[5].

 

C’est dans ce contexte qu’une Cour d’appel (Aix en Provence) a débouté un preneur à bail de sa demande de fixation de l’indemnité d’éviction à l’encontre de l’acquéreur de l’immeuble, mais également la demande reconventionnelle de l’acquéreur de l’immeuble en expulsion du preneur.

 

Sur le rejet des prétentions du « nouveau » bailleur, les juges du fond ont considéré que les parties étaient liées par un bail verbal, en constatant que l’acquéreur de l’immeuble facturait des loyers au preneur qui se maintenait dans les lieux alors que le bail avait pris fin par l’effet du congé refus de renouvellement et offre d’indemnité d’éviction délivré par le précédent propriétaire.

 

Sans surprise, l’arrêt est cassé par la Cour de cassation pour manque de base légale, la Haute juridiction rappelant aux juges du fond que le seul maintien du preneur dans les locaux en application des dispositions de l’article L145-28 du Code de commerce ne peut, sui generis, engendrer la naissance d’un bail verbal.

 

Plus clairement dit, si la Cour d’appel de renvoi souhaite retenir l’existence d’un bail verbal, encore faut-il qu’elle constate une occupation du preneur, au su de l’acquéreur, au-delà du simple maintien dans les lieux de l’article L145-28.

 

La tâche s’annonce ardue pour le preneur.

 

Sylvain VERBRUGGHE

Vivaldi-Avocats



[1] 3ème civ, 10 décembre 1997, n°96-13616 ; 3ème civ, 30 mai 2001, n°00-10111

[2] 3ème civ, 11 janvier 2006, n°04-20791

[3] 3ème civ, 5 mars 2008, n°06-19237

[4] 3ème civ, 18 février 1998, n°96-15030

[5] 3ème civ, 27 novembre 2002, Bull civ III n°243 p 211

 

 

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