Source : Cass. civ. 2ème, 17 mars 2016, n°14-24.986, FS-P+B+I
En l’espèce, une banque consent trois prêts à un couple, pour lesquels une société de cautionnement apporte sa garantie. L’époux débiteur forme une demande de traitement de sa situation financière auprès d’une commission de surendettement. Un plan conventionnel est conclu, et prévoit notamment un moratoire de six mois sur les créances bancaires.
Quelques mois plus tard, une commission de surendettement est de nouveau saisie par l’époux débiteur, qui déclare notamment au passif ses dettes vis-à-vis de la banque et de la société de cautionnement. Cette nouvelle demande est favorablement reçue par la commission. La banque créancière s’oppose à cette décision, et forme un recours en ce sens.
Cette seconde procédure est clôturée par le juge de l’exécution, l’époux créancier ayant finalement refusé d’en bénéficier. La banque assigne par la suite les co-emprunteurs en remboursement des prêts, mais se voit opposer par ces derniers une fin de non-recevoir tirée de la prescription de son action en paiement.
La banque forme un pourvoi en cassation, estimant que la prescription de son action en paiement était interrompue entre la saisine de la commission de surendettement par le débiteur, et l’ordonnance du juge de l’exécution constatant le refus définitif du débiteur de se prévaloir de la procédure de surendettement. Par ailleurs, la prescription de son action en paiement était également interrompue par son recours contre la décision d’admission de la commission de surendettement.
La Cour de cassation rejette en bloc le pourvoi, et estime pour sa part que le délai de prescription n’est pas suspendu pendant l’examen par une commission de surendettement ou par un juge du tribunal d’instance de la recevabilité de la demande formée par le débiteur, et que la mise en œuvre d’un recours formé contre une décision de recevabilité prise par une commission de surendettement n’a pas pour effet d’interrompre le cours de la prescription des créances.
Elle juge en effet que ce recours, au regard de son objet, ne constitue pas une demande en justice susceptible d’interrompre le cours de la prescription de la créance, au sens de l’article 2241 du Code civil.
A l’inverse, la Haute juridiction a pu juger que la demande du débiteur adressée à la commission de surendettement de recommander des mesures de redressement, après échec de la tentative de conciliation, interrompait le délai de forclusion de l’article L.311-37 du Code de la consommation[2][3].
Ainsi, au même titre que le renouvellement d’inscription hypothécaire[4], ou que la requête en injonction de payer[5], le recours formé contre une décision de recevabilité prise par une commission de surendettement ne constitue pas une demande ne justice interruptive de prescription.
Thomas LAILLER
Vivaldi-Avocats
[1] « La demande en justice, même en référé, interrompt le délai de prescription ainsi que le délai de forclusion. Il en est de même lorsqu’elle est portée devant une juridiction incompétente ou lorsque l’acte de saisine de la juridiction est annulé par l’effet d’un vice de procédure. »
[2] Cass. civ. 1ère, 19 mai 1999, n°97-04.127, publié au bulletin ; Cass. civ. 1ère, 6 juin 2001, n°00-04.120, publié au bulletin
[3] « Le tribunal d’instance connaît des litiges nés de l’application du présent chapitre. Les actions engagées devant lui doivent être formées dans les deux ans de l’événement qui leur a donné naissance à peine de forclusion, y compris lorsqu’elles sont nées de contrats conclus antérieurement au 1er juillet 1989. Lorsque les modalités de règlement des échéances impayées ont fait l’objet d’un réaménagement ou d’un rééchelonnement, le point de départ du délai de forclusion est le premier incident non régularisé intervenu après le premier aménagement ou rééchelonnement conclu entre les intéressés ou après adoption du plan conventionnel de redressement prévu à l’article L. 331-6 ou après décision du juge de l’exécution sur les mesures mentionnées à l’article L. 331-7. »
[4]Cass. ch. mixte, 26 mai 2006, n°03-16.800
[5] CA Paris, 27 janv. 1988