Méconnaître qu’une demande de renouvellement ne respecte aucun préavis est impardonnable

Sylvain VERBRUGGHE
Sylvain VERBRUGGHE

 

SOURCE : 3ème civ, 14 janvier 2016, n°14-21814, Inédit

 

La décision est certes inédite, mais elle a le mérite de dissiper certaines incertitudes entourant la date d’effet de la demande de renouvellement.

 

Il résulte des articles L145-10 et L145-12 du Code de commerce qu’en cours de tacite prolongation du bail,

 

« (…) le locataire qui veut obtenir le renouvellement (…) doit en faire la demande (…) à tout moment (…) »

 

« Le nouveau bail prend effet à compter (…) de sa prolongation, cette dernière date étant (…)le premier jour du trimestre civil qui suit cette demande.»

 

En d’autres termes, contrairement au congé, la date d’effet de la demande de renouvellement du preneur à bail commercial n’a pas à respecter de délai de préavis.

 

Un preneur l’avait pourtant oublié, et à réception, le 2 avril 2009 d’un congé valant offre de renouvellement de son bailleur pour le 31 décembre 2009 et pour un loyer déplafonné, y répondait le 17 avril suivant par une demande de renouvellement à effet à même date.

 

Il prenait rapidement conscience de son erreur qui conduisait le bail à avoir une durée effective de plus de douze ans, ouvrant droit à la fixation automatique du loyer de renouvellement à la valeur locative sur le fondement de l’article L145-34 al 4 du Code de commerce :

 

« Les dispositions de l’alinéa ci-dessus [ndlr : du plafonnement] ne sont plus applicables lorsque, par l’effet d’une tacite prolongation, la durée du bail excède douze ans »

 

Ainsi, par acte du 25 juin 2009, le preneur signifiait une demande de renouvellement pour le 1er juillet 2009.

 

Peine perdue, selon la Cour d’appel de Caen qui considère qu’un accord sur la date d’effet du renouvellement est intervenu, peu importe que le preneur excipe d’une erreur matérielle ou d’un acte annulant ou remplaçant le précédent.

 

Les juges du fond fixent ainsi le loyer du bail renouvelé à la valeur locative.

 

Le preneur se pourvoit en cassation, affirmant que les dispositions de l’article L145-12 précité ne permettent aucun écart sur la date d’effet du renouvellement : celle-ci est toujours le premier jour du trimestre suivant, peu importe que l’acte contienne des dates différentes.

 

La Cour de cassation ne partage pas cette position, et considère que la date d’effet indiquée à l’article L145-12 du code de commerce est supplétive de volonté.

 

Si, conformément à la jurisprudence, les parties ne peuvent réduire le préavis imposé à l’article L145-9 du Code de commerce, bailleur comme preneur peuvent donc aménager la date d’effet de leur congé / demande de renouvellement. Mais si la Cour de cassation accepte les reports de date d’effet, qu’en serait-il si les parties dérogeaient aux dispositions de l’article L145-12 à la baisse ? Le preneur pourrait-il par exemple pour échapper au déplafonnement automatique du loyer  demander le renouvellement pour le dernier jour du trimestre actuel, demande qui pourrait être considéré comme tacitement accepté en cas de silence du bailleur pendant trois mois ? On peut s’attendre, à la lecture de la présente décision, que des parties « embarrassées » tentent d’obtenir une réponse à cette question.

 

Sylvain VERBRUGGHE

Vivaldi-Avocats

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